L'Emir Abdelkader, illustre personnalité algérienne et éminent savant reste incontournable et non négligeable dans l'élaboration et l'avancée du droit humanitaire international. Son rôle dans ce processus très complexe, relevant aujourd'hui du domaine du droit international et confié aux Etats modernes et aux institutions mondiales, sa conception de l'Etat moderne, la dimension de son œuvre dans la préservation de la dignité humaine et dans le dialogue des civilisations sont, entre autres, les aspects débattus, hier, au colloque international intitulé « l'Emir Abdelkader et le droit international humanitaire », organisé à Alger par le ministère de la Justice et la fondation Emir-Abdelkader. Les travaux de ce colloque ont été ouverts, hier, en présence de Larbi Ould Khelifa, président de l'APN, Peter Maurer, président du Comité international de la croix rouge (CICR), de Mohamed Charfi, ministre de la Justice, garde des Sceaux, Bouabdellah Ghlamallah, ministre des Afaires religieuses, des représentants des organisations internationales et des chercheurs. « Les règles du droit positif humanitaire ont été posées par l'Emir Abdelkader en la forme d'un décret qu'il prit en 1843 par lequel il fixe dans le détail les règles qui allaient régir la situation des soldats de l'agression coloniale contre son pays », précise Mohamed Charfi qui a rappelé que la mission de défendre militairement son pays n'a pas ébranlé chez l'Emir Abdelkader son humanisme inné qu'il nourrissait « de sa culture et de sa religion musulmane ». En s'interrogeant si l'ennemi avait donné des instructions dans ce même sens, le ministre affirme que « le décret de l'Emir Abdelkader a été une décision unilatérale, souveraine, inconditionnelle, non assortie de modalités, ni d'exigences de réciprocité, qui ne prévoit aucun fait justificatif et tout entière fondée sur le respect de la dignité de l'homme, fusse-t-il un ennemi ou un combattant sur le champ de bataille. Elle est l'expression d'un humanisme sublime exprimé alors que l'agression étrangère contre l'Algérie, son pays, durait depuis quinze ans déjà ». « Ce décret, poursuit le ministre, devrait être retenu par l'histoire comme la première marche du droit international humanitaire ». Des droits y compris même pour les bourreaux Mais l'Emir Abdelkader ne s'est pas contenté de légiférer en la matière. Il a mis en œuvre une véritable politique du droit humanitaire. Cela est illustré par un lettre adressée à l'évêque d'Alger, par laquelle il organise le rôle du prêtre auprès des prisonniers français, visant non seulement l'exercice du culte chrétien, mais aussi le droit pour ceux-ci de communiquer avec leurs familles, de recevoir de l'argent, des vêtements et des livres. Ces règles existent dans la troisième convention de Genève dans les articles 34, 38 et 71. Le rôle de l'Emir Abdelkader ne s'arrête pas là. « Dans son exil, il n'a pas hésité à défendre des milliers de chrétiens d'Orient, à Damas, voués à une extermination qui s'annonçait irrémédiable », a encore souligné le ministre estimant que « la convergence d'idée entre l'Emir Abdelkader et Henry Dunant (fondateur de la croix rouge intenational) au service de l'humanité et de la dignité de l'homme constitue l'un de ces rebonds de l'histoire qui rendent tangibles les passerelles entre les religions ». Cette rencontre revêt une importance particulière du fait qu'elle intervient dans une conjoncture marquée par « l'évolution des conflits armés contemporains et des moyens et méthodes de guerre mettant en lumière les défis sans cesse renouvelés quant à l'application du droit international humanitaire », a affirmé M. Peter Maurer, président du CICR, dans son allocution d'ouverture. « Les discussions qui auront lieu sont, pour nous, très importantes et viendront nourrir les propres réflexions du comité international de la croix rouge dans ce domaine », a-t-il ajouté. Evoquant les conflits dans le monde, Peter Maurer dira que la violence armée déclenchée au Mali depuis 16 mois a affecté des populations entières dont la situation demeure très préoccupante et les besoins humanitaires restent importants. Pour répondre à cette demande croissante, le CICR a lancé un appel aux donateurs pour récolter 3,3 milliards de dollars supplémentaires. En outre, il a qualifié les retombées de la crise syrienne sur les pays voisins de « catastrophe humanitaire majeure ». Les relations entre le CICR et l'Algérie sont étroites, a-t-il précisé, et sont marquées par le rôle du CICR pendant la révolution algérienne, l'adhésion de l'Algérie aux conventions de Genève en 1960 et le rôle important qu'avait joué le gouvernement algérien lors da la conférence diplomatique à l'origine des deux protocoles additionnels aux Conventions de Genève en 1977.