A Benghazi, plus rien ne va : des manifestants en armes, en guerre contre les milices de tendance islamiste et les forces régulières, font désormais la loi dans un pays aux institutions transitoires fragiles et en crise. La nouvelle Libye des espoirs de démocratisation déçus s'enlise dans un cycle de violence qui fait craindre le risque d'une « catastrophe ». Le chef d'état-major par intérim, Salem El Qonidi, inquiet des récentes attaques dont il affirme ne « connaître ni leur identité ni leur motivations », a déclaré à la chaîne de télévision Al Aseema, que « si les forces spéciales sont attaquées, il y aura un bain de sang (...) Il pourrait y avoir une catastrophe à Benghazi ». C'est effectivement le cas. La dérive prend des proportions dramatiques. Elle prend une nouvelle dimension avec les combats qui ont opposé, pour la première fois, depuis vendredi, dans le quartier Al-Lithi sur la route de l'aéroport, des assaillants aux forces spéciales. Au moins 6 soldats ont été tués. A moins d'une semaine du bras de fer qui a permis de déloger la brigade « bouclier de la Libye », délogée par la force de son QG, la réédition du démantèlement des milices, visant cette fois ci la « première brigade d'infanterie », priée dès lors par la chef d'état-major de quitter les lieux pour préserver les vies humaines, a dangereusement évolué en affrontements avec les dépositaires de la légitimité et de l'autorité de l'Etat. La crise des milices est la face cachée de la crise de l'Etat secoué par la cascade de démissions au sommet du Conseil général national (le président Mohamed Megaryef, le chef d'état-major Youssef El Mangouch) peinant à mettre en place une armée efficiente supplantée par des milices faisant notamment le siège des ministères de souveraineté pour imposer la loi bannissant les personnalités qui ont exercé une fonction sous l'ère Kadhafi. A Benghazi, la persistance de la contestation anti-milicienne, appréhendée comme étant l'expression de la lutte d'influence pour le contrôle de la région, coïncidé avec la manifestation de la volonté séparatiste renouvelée par la déclaration du 1er juin, dans la ville d'Al-Marj, par le leader charismatique, Ahmed Zubeiri Al Senoussi, et traduite par la réactivation du Conseil de la Cyrénaïque appelé à créer un parlement et des forces de sécurité autonomes.