Les Américains ne savent plus s'il faut armer les rebelles syriens pour « changer l'équilibre sur le terrain ». Les victoires successives de l'armée (renforçant davantage la position de Damas, et celle de son allié russe) et l'influence grandissante des djihadistes du Front Al Nosra (al Qaïda) au sein de la rébellion, compliquent la politique US. Washington, qui mise sur une victoire militaire de l'opposition, ne renonce pas à une perspective politique, notamment dans le cadre de la conférence de paix de Genève dont elle est l'initiatrice avec Moscou. Au lendemain de la rencontre du groupe des Amis de la Syrie, qui s'est tenue samedi à Doha, à l'issue de laquelle les onze pays soutenant l'opposition ont appelé à renforcer leur aide militaire, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, rencontre l'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, dont le pays n'a jamais fait mystère de sa volonté d'armer les rebelles. La délégation américaine a, à ce sujet, exprimé en privé, lors de la réunion de Doha, leurs inquiétudes quant à un éventuel soutien de pays arabes aux groupes radicaux de la rébellion. M. Kerry a souligné qu'il était nécessaire de protéger les minorités en Syrie, après des attaques ayant visé les alaouites, communauté dont est issu le chef de l'Etat syrien, et les chiites. Mais cette inquiétude n'est pas de nature à changer le cap de l'option militaire. « Ce n'est pas ce que nous disons aujourd'hui qui pourrait faire une différence pour (le président syrien Bachar) Al-Assad, c'est ce qui se produira dans les jours, les semaines et les mois qui suivent », a-t-il déclaré aux journalistes sans préciser clairement quelle forme prendrait l'aide des Etats-Unis ni expliquer comment son pays, qui n'est pas en faveur d'une « solution militaire », pourrait changer « le déséquilibre sur le terrain ». Une déclaration qui confirme l'embarras de Washington qui, tout en plaidant, par la voix de son président Barack Obama, pour un renforcement d'une aide létale aux troupes de l'Armée syrienne libre, fait part de ces craintes de voir ses armes détournées par le Front Al Nosra. D'où l'opposition récemment exprimée par le Pentagone sur le sujet. Plus sa part, le président français, François Hollande, a appelé l'opposition à « reprendre » les zones tombées dans les mains des groupes extrémistes « afin de les écarter ». « C'est l'intérêt de l'opposition, c'est l'intérêt de la Syrie car s'il apparaît que des groupes extrémistes sont présents, ils peuvent demain être les bénéficiaires d'une situation de chaos. Ce sera Bachar Al-Assad qui se saisira de ce prétexte pour continuer les massacres », dit-il.