La région de Kidal, passablement régenté par l'accord de Ouagadougou autorisant le retour de l'armée malienne et le campement du MNLA, reste en marge de l'autre Mali en campagne. Peu de candidats ont foulé Kidal qui figure pourtant en bonne place dans l'agenda des candidats, dont certains souhaiteraient même une présence rassurante de la Minusma (Mission onusienne pour la stabilisation du Mali) pour effectuer un tour fut-il symbolique. « Kidal fait partie du Mali, explique le directeur de campagne de l'un d'eux, et même si le vote sera symbolique, il est important que les populations sentent que nous sommes solidaires ». La dure et décisive épreuve du Kidal ne fait que commencer. Elle a de fait avorté le retour du gouverneur, le colonel Adama Kamissoko, forcé de rebrousser chemin. S'il affirme tout son scepticisme sur la tenue de l'élection présidentielle à la date prévue du 28 juillet, en niant au passage « toute tension », le constat d'échec a été dûment établi : « Les locaux du gouvernorat sont toujours occupés par des groupes armés ». Sur fond d'antagonismes ethniques et de graves représailles, les manifestations violentes ont opposé les deux camps. La situation ne prête guère à l'optimisme. « Si la situation continue à se dégrader à Kidal, on peut se demander si on peut envisager sur le terrain une campagne électorale, et même des élections », a souligné un haut responsable malien. L'émissaire onusien au Sahel, Romano Prodi, a revendiqué de meilleures conditions de sécurité et d'organisation du scrutin, alors que, signe des plus probants, la Commission dialogue et réconciliation (CDR), mise en place depuis mars, boude encore Kidal qu'elle n'arrive pas à visiter. Pour l'instant, conduite par son président, Mamadou Salia Sokona, elle est arrivée, jeudi dernier, à Gao avant de se rendre ensuite à Tombouctou et à Mopti. Au Mali, nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour exiger le report du scrutin. C'est le cas du candidat de la Parena (Parti de la renaissance nationale), l'un des artisans de l'accord de Ouagadougou, Tiébélé Dramé, du MPR (Mouvement patriotique pour le renouveau), de la Care (Convergence africaine pour le renouveau) de Cheïkh Boucadry qui ont emboîté le pas à la CENI (commission électorale indépendante) dont le président, Mamadou Diamontani, a relevé les insuffisances du fichier électoral et les nombreuses imperfections dans la préparation du scrutin. Une demande de report « pour violation grave de la loi » a été ainsi officiellement déposée par l'avocat de Tiébélé Dramé au niveau de la Cour constitutionnelle. « Il y a violation de la loi, parce qu'elle dit que le collège électoral ne peut pas être convoqué tant que les listes ne sont pas établies », assure Dramé. Cette option qui entend sauver le Kidal pour sauver le Mali a provoqué un niet catégorique de Bamako qui tient, contre vents et marées, à la date du 28 juillet, et promet un scrutin transparent et crédible. « Faut-il attendre six mois encore pour faire les élections ? Faut-il attendre un an ? Nous disons que non. L'élection présidentielle fait partie de l'arsenal de solutions pour la résolution durable de la crise que nous avons traversée », a estimé le ministre des Affaires étrangères, Tiéman Coulibaly. « Elles seront crédibles car nous allons assurer l'égalité de traitement des candidats et les résultats seront traités de manière transparente. Nous avons ouvert la porte aux observateurs de tous les pays et organisations qui ont demandé à venir », a-t-il rappelé. Le chef de la diplomatie malienne qui s'exprimait après une cérémonie à Paris au cours de laquelle les ministres français des Affaires étrangères et de la Défense, ainsi que plusieurs officiers supérieurs de l'armée française, ont été décorés de l'Ordre national du Mali, a dénoncé vertement ceux qui s'opposent au retour de l'armée et de l'administration au Kidal. « Nous sommes engagés, dit-il, dans un processus pacifique et nous ne répondons pas aux provocations. Nous devons tout mettre en œuvre pour que, sans avoir à tirer un coup de feu, l'administration et l'armée nationale se réinstallent à Kidal et que nous puissions organiser les élections. » Assurément, le devenir du nouveau Mali passe par le Kidal.