Le mois sacré est synonyme d'abstinence, de sobriété et de foi. Pourtant, l'on assiste à un phénomène complètement paradoxal. Le gaspillage a atteint le summum. Outre le côté moral, le préjudice causé à l'économie nationale est certain. L'Union générale des commerçants et artisans algériens a prévu un gaspillage équivalant à 5 milliards de dinars durant ce mois de Ramadhan. Malgré la flambée des prix, les consommateurs prennent d'assaut les marchés pour s'assurer une table bien garnie au f'tour. Le reste finira, malheureusement, à la poubelle. Il suffit de faire un tour dans les recoins de la capitale pour voir l'ampleur du gaspillage. A la rue Bouzrina (Bab Azoune), dans la Basse-Casbah, des baguettes de pain et autres aliments jonchent les trottoirs quelques heures après le f'tour. « Le comportement des Algériens a-t-il changé à ce point ? », se demande un septuagénaire. Il implore Dieu de ne pas nous punir pour ce gaspillage. Des montagnes d'ordures ménagères jonchent le bas de la rue Ahmed-Allem près du square Port-Saïd. Cette placette, fréquentée jadis par les artistes, offre aujourd'hui un spectacle peu reluisant. « A l'époque, nos parents nous exhortaient à embrasser le pain avant de le déposer délicatement dans un coin propre en attendant que les aviculteurs viennent le récupérer. Le pain est sacré, il ne faut surtout pas le jeter n'importe où de peur d'être puni par Dieu », a indiqué un homme, la soixantaine, rencontré à Bab El Oued où un tas de pain et de brioches sont jetés par terre, les bacs de Netcom débordant de toutes parts. « Cela est dû aux grandes quantités de pain qui sont achetées quotidiennement », regrette-t-il. En effet, à Bab El Oued, les sacs poubelles débordent de pain rassis et frais, de brioches, de kalb ellouz et de viande. Ceci alors que de longues files d'attente se forment devant les boulangeries et les boucheries. Dans une boulangerie de la rue colonel-Lotfi, la baguette de pain d'orge est cédée à 30 DA. « En dépit de la cherté de ces différents pains, les gens trouvent le moyen d'en jeter », témoigne un boulanger. Devant ce gaspillage à grande échelle et cet amoncellement d'ordures, un employé de l'entreprise Netcom affirme que les éboueurs effectuent même des heures supplémentaires. « Il n'y a pas une poubelle où on ne trouve pas de pain. Par moments, on trouve des baguettes qui ne sont pas entamées », dit-il. Les éboueurs trouvent anormale de mélanger le reste des ordures avec le pain. Ainsi, des sacs destinés spécialement au pain sont accrochés au camion.