En ce vendredi de la peur, mobilisant les deux Egypte dans un face-à-face tragique, le scénario du pire tant redouté a bel et bien lieu : une guerre civile en gestation alimentée par la volonté de l'armée d'en finir avec la défiance des Frères musulmans, acculés dans leur réduit de la mosquée de Rabaa al-Adawiya érigée en campement de fortune et décidés de s'opposer à la « déclaration de guerre » du général Abdel Fattah Sissi sollicitant, le mercredi, un « mandat » pour terrasser « la violence et le terrorisme ». Le ministre de la Défense et vice-Premier ministre est soutenu par le mouvement Tamaroud et le peuple révolutionnaire de Tahrir lançant la « seconde révolution ». Sur le pied de guerre, par rassemblements interposés, les camps de la discorde ont consacré la rupture fatale dans un bain de sang. Entre les Frères musulmans, criant au « coup d'Etat » et rejetant toute forme de dialogue, et les autorités de transition donnant un ultimatum de 48 heures pour la renonciation à la violence et la participation au processus de transition, le casus belli plonge l'Egypte dans une situation chaotique. . Hier, au lendemain de manifestations massives sanglantes, des affrontements entre les manifestants, tentant de bloquer un pont routier, et la police ont eu lieu sur la route de l'aéroport du Caire. Tout autour de la mosquée Rabaa al-Adawiya, règne un désordre indescriptible. Lors de cette journée la plus meurtrière (66 morts) depuis la destitution de Morsi, placé en détention préventive pour 15 jours pour complicité avec des opérations meurtrières contre les forces de sécurité lors de la révolte contre le président Hosni Moubarak imputées au Hamas palestinien, les violences se légitiment par la nécessité de déloger « dans le cadre de la loi » les partisans de Morsi de leur campement de la mosquée de Rabaa al-Adawiya et des abords de l'université du Caire, dans le quartier de Guizeh. En conférence de presse, hier matin, le ministre de l'Intérieur a affirmé qu'il allait faire disperser « très prochainement » les sit-in des islamistes. « Nous espérons que les manifestants reviendront à la raison et qu'ils vont mettre fin à ces sit-in pour éviter que le sang coule », a-t-il ajouté. Dans cette tragédie, les deux parties se rejettent la responsabilité des violences. Pour les autorités de transition qui récusent le recours aux tirs à balles réelles, la provocation islamiste a constitué l'étincelle qui a provoqué la dérive sanglante. « Les Frères musulmans ont refusé que la journée se déroule pacifiquement et ont cherché à la gâcher dans plusieurs gouvernorats en particulier au Caire et à Alexandrie », a déclaré le porte-parole du ministère, Hani Abdellatif, en référence aux manifestations massives de vendredi. Les islamistes ont quant à eux pointé un doigt accusateur sur le général Sissi coupable de déclarations incitant à « la violence et à la haine ». Face à son destin, la nouvelle Egypte, présentée en porte-étendard du « printemps arabe », inquiéte la communauté internationale appelant à la « retenue ». De Paris à Londres, en passant par l'ONU, le ton est à la désolation pour signifier l'échec total des « révolutions » en faillite, incapables de proposer une alternative crédible et de mener des transitions à vocation démocratique. Signe des temps : pendant que le feu couve dans la maison égyptienne, la Tunisie est submergée par la vague de protestations suscitées par l'assassinat, le deuxième en 6 mois, du député Mohamed Brahmi.