Le canon annonciateur de l'Iftar n'a plus tonné depuis longtemps. Sur les terrasses de maisons, on y guettait fiévreusement l'explosion synonyme de rupture du jeûne. Les regards pointés vers la jetée du môle d'Alger, on attendait la salve libératrice. Et rien ne valait ce moment fatidique quand le bachtoubdji (maître canonnier), l'incontournable maître de cérémonie, annonçait d'un bon coup de canon que le Maghreb a pris le relais d'une journée d'épreuve difficile. Les rues et marchés se vident comme dans un mouvement d'ensemble à l'adresse d'une meïda copieusement garnie. L'autre épreuve sacrée était de s'assurer que dans la Skifa, (le patio) les démunis soient parmi les convives. Rien n'est laissé au hasard. On se précipite vers les mosquées en rompant le jeûne par la traditionnelle datte et le retour chez soi se fait d'un pas pressé pour l'entamer dans la sérénité et la quiétude. Une victoire remportée sur l'endurance, les visages se dérident, la joie d'avoir été à la hauteur de l'abstinence se lit à travers Bismi Allah, (Louanges au Tout Puissant) pour avoir été récompensé dans par la grâce de Dieu au sein d'une famille réunie mais On n'oubliait pas que le ramadhan est aussi le mois de la solidarité par excellence. C'est vers les démunis qu'allait la première pensée. Toute la philosophie du mois sacré repose ainsi sur le devoir de charité à accomplir. L'image idyllique que nous renvoie le Saint Coran sur le jeûne n'a pas toujours été suivie de gestes. A l'heure où nous nous apprêtons à rompre le jeûne, des millions de malheureux souffrent de malnutrition dans un silence…assourdissant.