À l'aérogare nationale où sont assurés les vols domestiques, le ramadhan est vraiment “sacré” : une demi-heure avant l'adhan, les portes d'accès aux salles d'embarquement sont fermées par les policiers. À l'appel du muezzin, c'est tout l'accès à l'aéroport qui est interdit. Il est des absurdités qui ne sauraient être justifiées. Comme celle qui consiste à fermer les portes d'un aéroport sous prétexte que l'heure de la rupture du jeûne a sonné ! En l'absence des responsables des compagnies aériennes, les passagers ne savent pas à qui se vouer dans cet endroit que les saints semblent avoir fui. Le mépris s'ajoute ainsi à la fatigue d'une journée de carême déjà mouvementée. À l'aérogare nationale de l'aéroport d'Alger, le ramadhan est vraiment «sacré» : une demi-heure avant l'adhan, les portes d'accès aux salles d'embarquement sont fermées par de jeunes policiers, eux-mêmes avides de rompre le jeûne. Lorsque l'appel du muezzin (qui, en la circonstance, se trouve être un volontaire) se fait entendre, c'est tout l'accès à l'aérogare qui est fermé. Personne n'en sort et personne ne rentre. Refoulés, les passagers, dont le vol est programmé à 18 h, sont à ce moment-là résignés. Les avions ne décolleront pas à l'heure prévue ; ils décolleront après le f'tour ! Décision irrévocable de la… police. L'aéroport a donc gelé ses activités jusqu'à nouvel ordre. Le hall s'endort subitement et, machinalement, on se surprend à attendre, patiemment d'ailleurs, l'heure de la rupture du jeûne. En ce dimanche 17 novembre 2002, l'annonce des vols domestiques semble répondre agréablement au programme de la journée. Il y a notamment deux dessertes prévues à 18 h à destination d'Oran. L'une sur Air Algérie, l'autre sur Khalifa Airways. Trente minutes plus tard, ce sera au tour de Hassi-Messaoud et Annaba. Enfin, théoriquement… Les agents chargés de l'enregistrement sont tous aux guichets. Service impeccable. Les passagers récupèrent leurs cartes d'accès et attendent l'annonce de l'embarquement. Sur les écrans d'affichage, pas la moindre perturbation. Mais lorsque les horloges se rapprochent de l'heure “fatidique” (une demi-heure avant), les jeunes policiers, bien courtois, commencent à refouler tout le monde. Sourire aux lèvres, ils conseillent : “Revenez après le f'tour.” Cette phrase est l'expression d'un verdict sans appel. Cela ne manquerait sans doute pas d'inspirer un humoriste bien connu de chez nous, Mohamed Fellag. Comme les Algériens ont de l'expérience, ils savent que la police ne plaisante guère. Elle ne plaisante peut-être pas, mais elle sait jeter la pierre aux autres. «Pourquoi fermez-vous les portes ?», demandons-nous à l'un des policiers en faction. «Il faut demander aux compagnies.» «Pour quelle raison l'accès aux salles d'embarquement est-il fermé ?», interrogeons-nous un agent de l'une des deux compagnies. «C'est la police qui décide.» Les vols ne sont, en tout cas, plus annoncés. «Cela ne m'étonne pas, dit un passager pour Oran à ses trois camarades. Que reste-t-il de l'aviation algérienne ?» Une queue se forme malgré tout devant les portes d'accès aux formalités de police et aux salles d'embarquement. Parmi les passagers, beaucoup de coopérants étrangers. Les policiers ont déjà déserté les lieux. Un homme portant badge AHB (Aéroport Houari-Boumediène) défile sans rien dire. Personne n'a donc le droit de comprendre. Les agents d'Air Algérie et de Khalifa Airways ne donnent aucun signe de vie. à qui s'adresser ? Une autre queue va bientôt se former devant le seul restaurant de l'aérogare. Et encore une autre devant l'une des deux cafétérias ouvertes. Rupture du jeûne. Dans le calme. Les portes d'accès au hall sont maintenant fermées. L'activité de l'aéroport reprend trente minutes plus tard. L'un des speakers annonce la reprise par cette belle envolée : «Embarquement immédiat pour Oran !» Bousculade devant les accès. Hier, nos tentatives de joindre les responsables de l'Entreprise de gestion de l'aéroport (EGSA), d'Air Algérie et du ministère des Transports sont restées vaines. Le ramadhan est «sacré». Pour Khalifa Airways, cette situation «n'est pas logique mais, que voulez-vous, on ne peut pas embarquer les passagers à la place de la police.» Fin de citation. Fin de récit. L. B.