L'équipe nationale a arraché sa victoire face à la Zambie. Victoire savourée par des millions de personnes en fusion totale hier soir dans le pays. Mais la fête n'a pas attendu cette victoire pour commencer. Le match en lui-même suffisait déjà à semer la joie dans les esprits des Algériens un peu trop malmenés au quotidien. L'occasion parfaite pour extérioriser toute cette retenue. Non, il ne s'agissait pas d'un simple match. Un moment fort dans la vie sociale algérienne qui extirpe la population de son inertie et de sa passivité devenues de plus en plus soutenues. Tous présents au rendez-vous, que ce soit à la maison, dans des cafés, regroupés en bas des immeubles ou encore mieux pour les plus chanceux, au stade de Blida... les Algériens, quelques minutes après la rupture du jeûne, en voitures, drapées aux couleurs du pays, ont commencé à prendre d'assaut les rues. Principalement au centre-ville et du côté du Ruisseau où se trouve la kheïma la plus prisée pour suivre le match sur écran géant, l'incontournable kheïma de Hyundai. Dès 20 heures, l'entrée était bloquée par des centaines de jeunes euphoriques, dont un nombre impressionnant de jeunes filles coquettement habillées de rouge, blanc et vert. Plus de 1 000 personnes étaient déjà installées à l'intérieur de la kheïma disposée sur la terrasse du showroom. Les autres attendaient d'y accéder… mais dès 21 heures, beaucoup renonceront et préfèreront s'assurer une place ailleurs. Et pour cause, la projection a eu lieu dans plusieurs kheïmas de la capitale. Il est 22h passées à la kheïma du Saint Georges, l'ambiance est feutrée. Quaadate autour de chicha et du thé. Tous les regards étaient rivés sur l'écran géant où les Verts se déployaient sur le terrain et commençaient à prendre leurs marques face à l'adversaire. Du côté de Sidi Yahia, plusieurs cafés ont été envahis par des téléspectateurs enthousiastes. On regarde, on attend et on contient son stress. Tout le monde est captivé par le match. Mais pas pour les mêmes raisons ! S'il y en a qui sont des accros de foot d'autres s'enthousiasment pour ce match pour des raisons moins sportives. Salim, installé au café Cappuccino de Sidi Yahia, explique qu'il n'est pas un grand fan de foot mais qu'il se sent concerné par ce match et qu'il a envie de voir l'équipe nationale gagner parce que ça crée une communion et ça redonne de l'espoir au peuple. Le plus grand mérite qu'on puisse accorder à ce match est effectivement de réveiller la fibre nationaliste de milliers de personnes qui ne croient plus en leur nation. Au bord de la piscine du Hilton, les ingrédients sont également rassemblés pour se remettre à aimer plus sérieusement son pays. L'euphorie était aussi grande, le match y a été projeté sur écran géant et plusieurs autres écrans entourant la piscine. Un cadre très agréable pour apprécier les prouesses des Verts. Du côté du Grial, restaurant du Val d'Hydra connu pour ses soirées karaoké très animées, où plusieurs écrans de télévision étaient accrochés au mur, l'euphorie était carrément explosive. Des jeunes déchaînés, des rassemblements, des éclats de rire et du suspense enflammé jusqu'à ce que Saïfi marque ce fameux but qui a fait vibrer à l'unisson tous les Algériens à 23h20. Une explosion de joie indicible. Des accolades, des sauts, des cris… une communion, une euphorie exceptionnelles. Impressionnantes. Le jeu continue et le suspense atteint son comble jusqu'au coup de sifflet final qui confirme la victoire de l'équipe algérienne. Et là l'euphorie redouble forcément, tellement, qu'il faut absolument sortir, quitter cet espace trop petit pour pouvoir contenir une si grande joie. Il faut de suite monter dans sa voiture et exprimer sa fierté à coup de klaxons et de slogans nationalistes à n'en plus finir : «One, two, tree, viva l'Algérie… Maaak ya Lkhadra… Coupe du monde inchallah». Fumigènes, youyous, et salves d'applaudissements, dans la majorité des rues d'Alger et encore plus intensément au centre-ville. Du Sacré-Cœur à la rue Didouche. Le point culminant, la Grande Poste qui devient inaccessible tant l'affluence est grande. Les routes deviennent vite encombrées. Mais qu'à cela ne tienne. Il suffit d'éteindre le contact et de descendre de voiture. Et là le spectacle est encore plus entraînant. Des jeunes filles sur les toits des voitures, des enfants brandissant des drapeaux dont ils sont tellement fiers, des gens qui se sourient et qui dansent ensemble sans même se connaître. Quelle impression garder en parcourant les rues d'Alger envahies par ces élans de fête et d'euphorie ? Oui ce n'était qu'un match de foot… mais pas n'importe lequel. Celui dont les Algériens avaient besoin pour croire encore en une Algérie qui se relève et qui se tourne vers les siens. Il faut oublier que ce n'est qu'un match de foot et laisser cet espoir nationaliste se glisser savoureusement dans son cœur, soutenu par cette petite phrase qui revient sans cesse sur les lèvres sans avoir besoin d'être proférée : «C'est si simple et si bon de voir les Algériens heureux…» F. B.