Même si Moscou tente de rassurer, en affirmant que plusieurs milliers de ses citoyens sont toujours en Syrie, il est difficile de ne pas faire le lien avec les menaces de plus en plus pressantes d'intervention miliaire de l'Occident suspendu à la caution pratiquement illusoire du Conseil de sécurité plombé par le veto sino-russe. « Nous avons atteint le moment le plus grave de ce conflit », a martelé le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, appelant, hier mercredi, les membres du Conseil de sécurité à s'unir en vue d'« agir pour la paix », lors d'un discours au palais de la Paix, à La Haye. En l'absence d'un consensus au Conseil de sécurité, rarement aussi divisé et jugé incontournable par des alliés occidentaux comme les pays nordiques, l'Italie et la Belgique, le camp des interventionnistes se cherche de nouvelles voies de légitimation pour lancer l'expédition punitive contre le régime de Bachar, mû par le « devoir de conscience ». Il s'agit de mettre en place une « coalition de volontaires » de 36 à 37 pays, hors du Conseil de sécurité, invoquant, pour ce faire, l'article 51 de la Charte des Nations unies autorisant « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective » et aussi la résolution « Union pour le maintien de la paix », adoptée en 1950, permettant, comme ce fut pour la guerre de Corée, à l'Assemblée générale de se réunir dans l'urgence « dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression et où, du fait que l'unanimité n'a pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s'acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Par delà la légalité internationale boiteuse et la mission d'enquête onusienne déclarée nulle et non avenue, le diktat occidental impose le timing et le modus operandi. Car, pour la première fois, le vice-président américain, Joe Biden, a pointé le doigt accusateur sur Damas. « Les responsables de cet usage effroyable d'armes chimiques en Syrie ne font aucun doute : c'est le régime syrien », a-t-il dit. Le feu vert de l'attaque ciblée se précise. « Nous sommes prêts à y aller », a affirmé le secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, positionnant « des éléments pour être capables de répondre à toute option choisie par le président ». L'effervescence gagne la Maison Blanche qui s'adonne à des consultations diplomatiques intenses avec la trentaine de dirigeants des pays alliés européens (Grande-Bretagne et France notamment), du Canada, d'Australie et des pays arabes. Le secrétaire d'Etat, John Kerry, a, quant à lui, appelé les secrétaires généraux de l'ONU, de l'Otan et de la Ligue arabe et même ses homologues russe et syrien. La frappe militaire est « une question de jours », a estimé Ahmad Ramadan, dirigeant de la Coalition de l'opposition, faisant état de « rencontres entre la Coalition, l'Armée syrienne libre et les pays alliés, où ont été discutées les cibles éventuelles », dont des aéroports, des bases militaires et dépôts d'armes. En attendant la finalisation du rapport des services de renseignement qui sera rendu publique cette semaine, l'administration d'Obama a exclu l'envoi de « troupes au sol » pour privilégier, selon le magazine américain Foreign Policy, une campagne ponctuelle de quelques jours de tirs de missiles de croisière Tomahawk depuis les quatre destroyers croisant au large de la Syrie. Le scénario du pire est donc en route. Et si Damas oppose le devoir de résistance, les alliés russe et iranien ont mis en garde contre les conséquences désastreuse régionales. « La région est une poudrière et on ne peut pas prédire l'avenir », a lancé, hier mercredi, le Guide suprême iranien, Ali Khamenei. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a surenchéri, lors d'une conversation téléphonique mardi avec l'envoyé spécial de la Ligue arabe et de l'ONU, Lakhdar Brahimi, en insistant sur le fait « qu'il n'y avait pas d'alternative à une solution politico-diplomatique en Syrie » et en remarquant que les « tentatives de solution militaire ne mèneraient qu'à une déstabilisation supplémentaire de la situation dans le pays et la région ». Une autre certitude relevée par les experts militaires : la guerre de Syrie ne sera pas, comme ce fut le cas pour la Libye, une simple promenade de santé.