La filière dite des revendeurs de voitures neuves sur les places publiques est la première à être touchée par la baisse des prix de vente. A Constantine, en tout cas, ils sont dans l'expectative et font face à la concurrence, « loyale » cette fois-ci, des concessionnaires. Ainsi, on n'hésite plus à parler d'un véritable chamboulement du secteur, au point où il est désormais possible, pour un citoyen, de repartir le jour même avec le véhicule de son choix de chez un concessionnaire, alors qu'il y a à peine quelques mois, le délai d'attente dépassait largement les trois mois. Actuellement, chez presque tous les concessionnaires, c'est la « disponibilité immédiate ». Cette disponibilité est due, selon un délégué commercial d'une marque française, à une baisse significative des ventes en 2013 par rapport aux trois dernières années. Selon ce dernier, la courbe de l'offre est au même niveau que celle de la demande. Et ce n'est pas pour autant inquiétant pour les concessionnaires, car le marché algérien s'aligne sur les autres marchés internationaux où l'offre est désormais soumise à la qualité et au choix : « Les rappels et les augmentations des salaires de ces dernières années ont contribué à une hausse vertigineuse des ventes de véhicules. Maintenant il y a une baisse de la demande, ce qui est tout à fait normal, le marché se stabilise et c'est tant mieux pour les clients qui, désormais, ont la possibilité de choisir leur type de voiture » nous a-t-il expliqué. Et cette chute des ventes chez les concessionnaires affecte directement les marchés d'occasion, car quoi qu'il en soit, les citoyens sont plus intéressés par l'achat d'une voiture neuve. Ainsi, au marché hebdomadaire de Hamma Bouziane (à une quinzaine de kilomètres de Constantine), l'un des plus importants de la région Est, la crise est bien installée et il suffit d'y faire un tour pour constater que l'activité est en berne, ou du moins il y a peu de clients qui achètent. En témoignent les prix proposés par les vendeurs : « C'est devenu très difficile, pour ne pas dire impossible, de vendre une voiture. Il y a à peine une année, une allemande ou une française s'écoulait facilement et à des prix assez intéressants, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Les gens exigent des modèles bien précis et savent que le marché s'est effondré depuis quelques mois, ils connaissent aussi les prix pratiqués actuellement sur les marchés de Sétif ou d'Alger. En quelques semaines, les prix ont chuté de près de 150.000 DA, c'est du jamais vu depuis une dizaine d'années » nous explique Adel, un vendeur informel spécialisé dans les voitures neuves et qui nous promet qu'à ce rythme il changera bientôt d'activité. Notre interlocuteur, qui travaille souvent à Sidi Mabrouk, ajoute aussi qu'il est difficile de spéculer ou de faire de bonnes affaires et nous avoue même qu'il n'a vendu qu'une seule voiture en un mois alors que d'habitude il en écoule facilement trois ou quatre. Les affaires ne marchent plus pour deux raisons : il y a d'abord le manque de liquidités et il y a surtout le projet de loi modifiant et complétant le décret de 2007 fixant les conditions et les modalités d'exercice de l'activité de commercialisation de véhicules automobiles neufs. Le nouveau décret, qui sera introduit par le ministre du Commerce, vise à interdire aux concessionnaires agréés de vendre plusieurs véhicules à des « maquignons » qui vont à leur tour les revendre avec une marge bénéficiaire de plusieurs millions de centimes. Une décision qui risque de donner un coup de frein à cette filière dont les acteurs ont pris l'habitude de squatter illégalement des places publiques ou des trottoirs. Adel, comme tant d'autres commerçants informels qui faisaient des bénéfices de plus de 200.000 DA par mois, risquent bientôt de se retrouver au chômage.