La voie a été ouverte par les Etats-Unis où, il y a quelques années, il a été décidé de faire partager les données relatives aux transports publics. Sur le site du journal économique français www.latribune.fr, on peut lire : « Le gouverneur du Massachusetts avait exigé que les sociétés de transport public ouvrent et partagent leurs données. Objectif : permettre aux usagers de prendre connaissance des horaires et des correspondances entre les différents opérateurs. Une décision en apparence anodine qui a, en fait, ouvert la voie à l'Open Data, autrement dit aux données publiques accessibles sur le Web. » Cette nouvelle tendance bénéficiera d'un coup de pouce important par un engagement fort du président Obama qui, une fois installé à la Maison Blanche a initié son projet « open government » avec pour objectif de faire sortir toutes les données disponibles auprès des agences fédérales. Conçu dans une optique d'encouragement de l'innovation, le projet a été bâti sur le principe de la gratuité de la réutilisation des données. Les effets structurants de ces initiatives entraîneront l'apparition d'un nouveau contexte dynamique animé par de petites entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies et dédiées à des services innovants sur la base des données soustraites des fichiers publics. C'est que le marché des données publiques ouvertes se constituera en source de profit valant des milliards de dollars pour les entreprises capables de rentabiliser leurs investissent, faisant, comme le note le quotidien français, « qu'à partir de 2010 ont émergé aux Etats-Unis les places de marché de données comme Data-market, Factual, Infochimps, Kasabi ou Windows Azure Data Marketplace. » De son côté, l'Europe s'est lancée assez tôt dans la mesure de ce marché, comme le rappelle sur la page http://donneesouvertes.info, Simon Chignard, auteur d'un livre « L'open data, comprendre l'ouverture des données publiques » paru en France en 2012, qui fait état de l'étude MEPSIR (Measuring European Public Sector Information Re-Use), initiée en 2006 pour évaluer le marché des informations publiques, dont tout convergeait pour l'estimer à environ « 30 milliards d'euros ». Partant du constat « incontestable qu'il y a un bien un marché des informations publiques », cet auteur considère que pour « L'information juridique ou météorologique, le registre du commerce et des sociétés ou celui des immatriculations de véhicules : pour tout cela il y a une offre et une demande, des tarifs, des transactions bref, en un mot un marché. » Après avoir passé en revue les différents usages de ces données ainsi que les acteurs agissant sur ce marché, Simon Chignard conclut : « Il ne s'agit pas pour autant de dire que ces données n'ont pas de valeur, mais plutôt que leur valeur n'est pas monétaire. »Aux Etats-Unis, le débat sur la rentabilité des informations publiques ne semble pas à l'ordre du jour puisque même les mastodontes des nouvelles technologies s'y mettent. A l'image de la dernière trouvaille du géant IBM qui vient d'annoncer, selon le site www.itrmanager.com « Patient Care and Insights, une solution analytique basée sur des innovations des IBM Labs. Cette solution peut aider les organismes de services de santé à améliorer les soins prodigués à leurs patients et à réduire les coûts opérationnels en tenant compte de l'historique de santé de chacun d'entre eux. » Ce logiciel effectue des recherches dans l'historique du système de santé en analysant et en recoupant des masses énormes de données. L'objectif étant d'offrir aux médecins la possibilité d'anticiper les futures pathologies de leur patients en détectant certaines similitudes, et ainsi assurer une prise en charge préventive, selon le site d'information www.slate.fr, qui conclut, en effet : « Un patient qui guérit plus vite est un patient plus heureux et moins coûteux. » A en croire le site www.itrmanager.com, cette innovation d'IBM servirait à mettre en place des systèmes prédictifs pour une stratégie anticipée de santé publique basée sur une analyse de l'historique des données des patients, croisées avec d'autres données sociodémographiques. « Ainsi, lit-on sur ce site, il est possible d'identifier des opportunités d'interventions anticipées afin d'améliorer l'état général du patient en diminuant ou en évitant les problèmes de santé potentiels. Elle permet également une meilleure coordination des soins prodigués aux patients. Les médecins pourraient alors disposer d'une image élargie des patients, des pathologies et des capacités thérapeutiques, et agir ainsi dans le sens d'une plus grande efficacité des moyens de soins au profit du patient dont il tiendra compte du passé et des intérêts thérapeutiques. D'un autre côté, le malade peut également bénéficier des avantages de ce système qui lui permettrait de trouver « un docteur dont les compétences sont optimales pour résoudre son problème de santé. » Les personnels paramédicaux auront également la possibilité, selon ce site, de procéder à l'exploitation de « la mémoire collective du système de santé afin d'obtenir un niveau d'information plus adapté ou « des indicateurs précoces » à partir des données historiques sur le long terme du patient, pour mieux répondre aux futurs besoins du patient en soins de santé. » Cet exemple de l'implication du géant IBM illustre bien l'importance des perspectives offertes par le marché des informations publiques. A tel point que le dernier sommet du G8, en juin dernier, à Lough Erne en Irlande du Nord, a fini par l'adoption d'une charte de l'open data, engageant l'ensemble des pays les plus industrialisés de la planète à mettre en place leurs système open data d'ici à fin 2015. Pour le site d'information français www.zdnet.fr, qui s'appuie sur un exposé d'Etalab, le service français chargé de l'ouverture des données publiques, cet engagement traduit une « volonté des Etats membres de promouvoir une gouvernance plus ouverte et plus transparente en établissant un principe d'ouverture par défaut des données publiques, en affirmant le principe de gratuité de leur réutilisation et en privilégiant les formats ouverts et non propriétaires, elle encourage l'accès de tous à l'information et promeut l'innovation entrepreneuriale, citoyenne et sociale ». En vertu du contenu de la charte signée, « chaque Etat membre du G8 développera un plan d'action d'ici fin 2013, devant respecter les principes de la Charte en mettant en œuvre les meilleures pratiques et les engagements collectifs détaillés dans son annexe technique d'ici fin 2015. » Les Etats signataires ont précisé quelques principes de base devant guider la mise en place de leurs open data, à savoir que les données concernées seront ouvertes par défaut, de qualité et en quantité et accessibles et réutilisables par tous. Par ailleurs, ils rappellent que l'ouverture des données doit servir à « améliorer la gouvernance » et « encourager l'innovation. » Parmi les secteurs d'informations concernées, le document signé par les membres du G8, il y a les « données considérées à forte valeur ajoutée, comme les statistiques sur la criminalité, les données géospatiales (topographie, cartes...), le niveau de pollution, les horaires de transport public, etc. » Le développement du marché de l'open data semble néanmoins faire face à quelques contraintes, dont celles relevant du secteur de la santé avec leurs lots de souci en matière de vie privée. Par ailleurs, note le sitewww.itrmanager.com, il y a un autre frein « le caractère payant des données. » « En théorie, écrit ce site, leur accès est gratuit, mais une trentaine de grands fichiers, comme les immatriculations automobiles, le cadastre, les informations déposées par les entreprises au tribunal de commerce, sont payants. De grands opérateurs d'Etat comme l'Institut national de l'information géographique (IGN), Météo France ou le Service hydrographique national, spécialisé dans les cartes marines, réclament eux aussi des redevances. » D'autres se posent la question de savoir si une politique de l'open data n'allait pas faire le jeu des grandes multinationales de l'internet, majoritairement américaines, friandes de données personnelles, à l'instar de Google dont le service de cartographie GoogleMaps a été lancé sur la base de vieilles cartes IGN. Pour Henri Verdier le directeur d'Etalab, « on n'est pas obligé de nourrir le fauve...Les opérateurs d'Etat peuvent développer des modèles économiques et des stratégies industrielles autour de leurs données, comme le font Facebook ou Google. » De son côté, le site d'information www.slate.fr, s'est intéressé au développement du marché de l'open data, avec une étude comparative entre les Etats-Unis et certains pays européens. Il a relevé de nombreuses contraintes qui empêchent le bon déploiement des réseaux de l'information publique. Il cite à cet effet une étude comparative menée en 2012, sur des données disponibles sur des plateformes d'open data américaine, britannique et française qui arrive à la conclusion qu'« en France seulement 5% des données sont structurées, c'est-à-dire utilisables sans délais et que 48% ne sont pas à jour (contre 20% en Grande-Bretagne) ». En plus de cette contrainte, le site a également évoqué ce qu'il a appelé « La peur des responsables » pour évoquer le comportement tatillon de certains responsables publics qui, écrit-il, « craignent que les données soient utilisées pour exposer de possibles défaillances, par exemple l'analyse de la pollution dans l'air pourrait remettre en question l'aménagement urbain effectué par un maire ».