La situation de cette entreprise, dans un état de vétusté apparent, n'est guère reluisante pour le moment, mais son manager est fort de ses convictions de pouvoir redresser la barre et de bien l'asseoir dans son marché, en dépit des difficultés actuelles. Le principal problème auquel fait face l'unité sur le marché local est la mévente de ses produits, que M. Himrane lie d'abord à la matière première dont le coût élevé se répercute fatalement sur le prix des produits finis. Conséquemment, les produits concurrents, à base de polystyrène, aux propriétés médiocres mais de moindres prix, ont la partie belle pour s'imposer chez les utilisateurs qui n'hésitent pas à sacrifier la qualité pour diminuer le coût. Le liège est actuellement cédé à 13.300 dinars le mètre carré, soit trois fois plus élevé que celui des produits polystyrènes. Pourtant, se désole M. Himrane, les qualités du liège, un produit noble, contrebalancent favorablement cette pierre d'achoppement qu'est son prix élevé. En effet, « le liège est le champion des isolants, il est écologique, car biodégradable, et n'a aucun effet nocif sur les organismes vivants, contrairement aux isolants en plastique. Mieux, même après une centaine d'années, le liège utilisé peut être récupéré et réutilisé ! ». D'autres arguments plaident en faveur de ce produit : il n'est pas importé, contrairement au polystyrène, et son usage, par exemple dans les hôpitaux, les universités et infrastructures scolaires, est économiquement profitable en ce sens qu'il réduit les coûts de la climatisation et les dégradations induites par les éléments naturels. L'unité, d'autre part, valorise le liège de moindre qualité. C'est, en effet, le premier liège produit par l'arbre qui constitue sa matière première. Le liège dit de reproduction est, quant à lui, bien plus cher (5.000 dinars le quintal) et grèverait d'autant plus la rentabilité, dont le seuil est fixé à un coût d'acquisition de la matière première à 1.500 dinars le quintal. L'encouragement à l'usage du liège comme matière isolante permettra également d'inciter au reboisement et aux propriétaires de forêts d'exploiter profitablement cette matière ou les inciter à investir dans ce créneau, ce qui ne manquerait pas d'induire de nombreux emplois au bénéfice de l'économie locale. Ces arguments sont au cœur de la stratégie marketing que M. Himrane a développée en direction des opérateurs économiques pour les inciter à reconsidérer leurs choix et s'intéresser davantage aux produits que son entreprise commercialise. Les pouvoirs publics sont également invités à donner « un coup de pouce règlementaire », au moins pour les projets d'infrastructures publiques. Cela suffirait largement au bonheur de M. Himrane qui garde la tête froide car, objectivement, l'entreprise, dont les capacités de production plafonnent à 23 mètres-cubes par jour, ne peut satisfaire une trop forte demande ; cela y compris avec le renfort des capacités de la seconde unité du genre qui existe à Jijel. La raison réside dans le fait que la matière première n'est disponible qu'en faibles quantités. Pour l'année 2013, à titre d'exemple, ces deux unités ont dû se partager les 9.500 quintaux de liège mâle et rebuts de liège proposés contre des besoins de 20.000 quintaux pour l'unité de Béjaïa et 25.000 quintaux pour celle de Jijel. Pour les couvrir, il faudrait redynamiser les forêts de chêne-liège dont « on ne réussit pas toujours les reboisements pour différentes raisons », comme devait le préciser le Conservateur des forêts de Béjaïa, Ali Mahmoudi, qui indiquera également que Béjaïa est fournie en plants par les pépinières de Jijel et de Skikda en raison de l'inexistence d'une unité spécifique. Quoi qu'il en soit, pour M. Himrane, le pari reste jouable et l'entreprise compte, grâce aux crédits qui lui ont été accordés, moderniser son équipement pour augmenter sa production et améliorer la qualité des produits finis. Cette mise à niveau permettra également d'encore mieux se placer sur les marchés extérieurs, où l'entreprise compte quelques clients dans des pays comme la France, l'Italie, l'Espagne ou le Maroc. Préserver et créer de l'emploi, valoriser un produit national, diversifier l'offre sur le marché : voilà de quoi réjouir bien des parties. Y compris les environnementalistes, car l'unité n'est pas polluante et ne rejette dans l'atmosphère que de la vapeur d'eau.