Issue d'une famille des environs de Tunis, La Manouba, Lalla Manoubia a passé une enfance heureuse entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle. Malgré l'époque, elle a la chance d'être envoyée à l'école coranique pour s'instruire. Très vite, elle fait montre d'élans mystiques. A l'âge de 9 ans, différente des enfants de son âge, elle est considérée comme une enfant originale par le besoin de se rapprocher de Dieu. A 12 ans, elle éprouve le besoin de s'isoler dans les vergers aux environs du village, peut-être pour méditer ou pour prier. Elle se lie alors avec un personnage qui subjugue ses contemporains, Abou Hassan al-Chadhili, avec qui elle est surprise un jour en pleine discussion. La réaction du père et de la société de l'époque ne se fait pas attendre : elle doit mettre un terme à ces « promenades douteuses » et son père doit lui trouver un mari d'autant que la beauté de la jeune fille suscite beaucoup de convoitises. On vient demander sa main mais Lalla Manoubia oppose un refus à chaque fois. Un mariage forcé la jette sur la voie de l'errance. Elle part pour Tunis puis vers de multiples retraites qui la conduisent loin de la capitale. Elle partage sa vie entre la quête de la science, l'action et la méditation. Pieuse, elle traverse Tunis « pauvrement vêtue et le visage découvert, n'hésitant pas à converser publiquement avec les hommes ». Elle travaille pour gagner sa vie et pratique l'aumône, partageant ses maigres ressources avec les femmes en détresse, se plaçant ainsi du côté des faibles, des marginaux et des opprimés qu'elle soutient et réconforte par sa charité et sa spiritualité. Femme à la personnalité forte et très instruite, elle demeure célibataire et partage son savoir et son instruction religieuse avec les hommes, même si cela ne plaît pas aux réformateurs musulmans. Lalla Manoubia est crainte par ses homologues masculins par peur du désordre qu'éveille sa conduite ou sa beauté. Ses détracteurs n'hésitent pas à l'accuser de tous les maux dont la débauche et le libertinage : ses accusateurs rapportent qu'elle se retirait sur les hauteurs du Djebel Zaghouan, parfois en compagnie de son fidèle préféré, pour y méditer sur la passion de Dieu et « savourer les plaisirs de l'amour ». Crainte ou aimée, elle est souvent sollicitée aussi bien par des hommes que par des femmes en difficulté pour sa capacité à entrer en contact avec le monde invisible peuplé d'esprits, de saints et de prophètes qui sont perçus comme des intermédiaires entre les Hommes et Dieu. Certains «oulémas» et les «beys» prennent même l'habitude de se déplacer à son domicile le jour de l'Aïd el-Kebir pour lui présenter leurs vœux. Lorsque qu'elle meurt en 1257, toute la ville de Tunis suit son cortège funèbre, elle est inhumée sur l'une des collines de Tunis où elle avait l'habitude d'aller prier. Deux «zaouïas» lui sont dédiées, l'une à Tunis et l'autre à La Manouba. Sa sépulture est toujours visitée, les lundis et vendredis, par les femmes de toutes classes et de toutes origines afin d'obtenir l'exaucement de leurs vœux ou la guérison de malades.