La célébration de la fête de l'Achoura « Taachourth » en Kabylie revêt un caractère particulier. Cet événement, qui constitue le dixième jour du mois de Moharem de l'année hégirienne, est fêté avec faste à travers de nombreuses manifestations où réjouissances et spiritualité se conjuguent. L'Achoura est une fête de la communion et de la solidarité. Outre, en effet, la préparation d'un somptueux couscous préparé à base de légumes frais et de viande sèche et salée (achedhlouh) pour le dîner qui rassemble toute la famille dans une ambiance bon enfant et surtout dans cette communion où l'on goûte à cette journée de retrouvailles familiales exceptionnelles. Ambiance de zaouïas C'est aussi un ensemble de rites religieux où tous les citoyens se mobilisent pour donner à la fête son caractère particulier. Partout et aux quatre coins de la wilaya, la fête de l'Achoura est célébrée dans une parfaite harmonie. Mais elle l'est davantage sur les sites où sont implantés les zaouias et mausolées des saints (walis salihine). Que ce soit à Beni Douala (cheikh Ath Bouyahia à Akkal Aberkane et Sidi Yahia Ouzeguène), à Aïn El Hammam (cheikh Mohand Oulhocine et Sidi Ali Outaleb), Bouzeguène (Sid Amar Oulhadj), Illoula Oumalou (Si Ahmed Ouedriss et Si Abderahmane Illouli), Mekla (Cheikh Amekrane Nath Zellal), Azazga (Sidi Behloul), Yakourène (Sid Abad), Akerrou (Tifrith Ath El Hadj), à Azeffoun (Tifrit n At Lhadj), Iferhounène ( Sidi Moussa et Sidi Ali Taghalat), Boghni (Sidi Ali Ouyahia et Mohamed Ben Abderrahmane), Tigzirt (Sidi Boubekeur), Maâtkas (Sidi Ali Oumoussa), Mekla (Sidi Sahnoun), Tala Mokrane (Cheikh Amokrane At Zellal), Ouaguenoun (Sidi Mansour) et à Tizi Ouzou (Sidi Balloua), la célébration de cette fête religieuse est synonyme de rencontres et le point de convergence de toutes les familles pour célébrer le cheikh local qu'on implore pour solutionner les problèmes rencontrés dans la vie. C'est aussi en ces lieux et à cette occasion que l'on aplanit les situations conflictuelles et réconcilie les familles en désaccord. C'est encore à cette occasion qu'on collecte l'argent de la Zakat. Une belle opportunité alors pour les gestionnaires de ces sites et par ricochets des villages pour renflouer les caisses des zaouias et autres mosquées pour leur entretien mais aussi pour le financement des travaux au profit des villages, comme l'aménagement des accès, dallages de pistes, branchements en eau, nettoyage, et de tant d'autres travaux que les comités de village jugent utiles pour la collectivité. Cotisations et entraide Ce jour est aussi mis à profit par les femmes pour se recueillir sur les mausolées des cheikhs, non sans emmener avec elles quelques précieuses offrandes allant des plats de couscous jusqu'aux moutons qu'elles remettront à ceux chargés de la gestion de ces lieux, qui, à leur tour, les distribueront aux centaines de pèlerins venus se recueillir aussi en implorant Dieu Tout-Puissant de les protéger et d'exaucer leurs vœux. Tous les villages limitrophes sont invités à prendre part à la célébration de cette fête religieuse, durant laquelle un somptueux couscous avec de la viande de mouton est offert à tous les visiteurs, en sus des chants religieux exécutés par l'Khwane qui récitent aussi des versets du Saint Coran tout au long de cette fête. Les organisateurs de ces cérémonies religieuses ne laissent rien au hasard. Ils ne lésinent sur aucun effort pour faire de cette fête religieuse une halte dédiée à la communion et à la spiritualité jalousement préservée par les populations locales. En fait, la célébration de cet événement religieux ne se déroule pas le jour même de ce 10e jour mais aussi la veille où il est organisé la traditionnelle « Timechret », symbole de l'entraide et de la solidarité, durant laquelle plusieurs veaux sont sacrifiés et débités en petits lots égaux qui seront ensuite distribués aux villageois les plus démunis mais aussi pour les besoins de la préparation du dîner de « Taâchourth ». Interrogé à ce propos, El Hadj Amar Hamlil de Aït Bouyahia nous dira : « Cette tradition est avant tout ce lien sacralisé de rassembler les familles et les archs et adhroum (entité de plusieurs villages). C'est aussi un modèle d'équité et d'égalité entre les villageois dès lors que la part de viande est la même aussi bien pour le pauvre que pour le riche. » La Kabylie, fidèle aux préceptes de l'Islam et des traditions, célébrera, aujourd'hui, cette fête religieuse comme l'a toujours fait dans la pure tradition léguée par leurs aïeux. Tant elle constitue une occasion où se manifestent avec éclat la solidarité, la générosité et la communion.