Les émeutes de la faim qui ont éclaté mercredi dernier à Maputo – au moins 10 morts et 443 blessés – pourraient s'étendre demain à tout le Mozambique : le prix du pain augmentera de 17%. Dévasté par une longue guerre civile (1976-1992) le pays de Robert Mugabe connaît une misère alarmante : 80 % des 20 millions d'habitants vivent sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire moins d'un dollar par jour. Ce taux et certains indices comme celui du Pib par habitant (802 $) et du développement humain (175e sur un classement de 179 pays) ne semblent pas promis à une révision à la baisse dans l'immédiat. Pour compenser la chute de la monnaie nationale, le metical, le gouvernement a décidé d'augmenter le prix de l'électricité de 13,4% et l'eau de 11,7% et de dévaluer a monnaie nationale, sans prévoir les conséquences de cette décision sur un peuple qui dépend des importations pour se nourrir. «Les hausses de prix sont irréversibles», assène Alberto Nkutumula, le porte-parole du gouvernement. Olivier de Schutter, le rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, impute cette situation aux «politiques libre-échangistes imposées par le FMI et la Banque mondiale pendant les années 1980 aux pays de la région. «Contre des prêts, ces pays ont dû se plier à l'ouverture des frontières, à la mise en concurrence locale avec celle des pays riches», dit-il estimant que « cette suppression des barrières tarifaires s'est traduite par une hausse des importations agricoles de ces pays. Résultat : «Entre 1992 et aujourd'hui, ils ont multiplié leur facture alimentaire par six» et «ils doivent en moyenne consacrer cinq à six fois plus de devises à l'importation de blé, de riz et d'autres denrées». La FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), qui s'attend à une baisse de 5% par rapport à 2009 de la production mondiale du blé, soit 648 millions de tonnes et une augmentation des prix des céréales – 5% entre juillet et août seulement – organisera le 24 septembre à Rome une réunion spéciale sur les tensions parcourant les marchés des céréales. «Il n'y a pas mal d'anxiété sur les marchés» et l'annonce par la Russie qu'elle ne recommencera pas à exporter ses céréales avant 2011 «va prolonger cette période d'anxiété et d'instabilité sur les marchés», explique Abdolreza Abbassian, économiste et analyste de la FAO chargé des céréales. Enième réunion ? Il y a deux ans, l'organisme onusien a demandé un examen critique des politiques et des subventions en faveur des biocarburants, considérés comme un facteur significatif dans la hausse des prix agroalimentaires. Résultats des courses, les Occidentaux, riands de quotas, y compris dans la consommation de biocarburants, ont lancé des campagnes pour «prendre» les terres agricoles «utiles» dans le monde. Notamment en Afrique. Selon Business Report du 1er septembre, «45 nouveaux fonds d'investissements envisagent d'investir environ 2000 milliards de dollars dans ce secteur sur tout le continent dans les cinq ans à venir». Selon un rapport, publié lundi par l'ONG Amis de la Terre, les investisseurs ont des vues sur 4,5 millions d'hectares au Mozambique, soit l'équivalent de la superficie des Pays-Bas, pour produire des biocarburants. De nombreux experts craignent un retour des «émeutes de la faim». Comme celles qui avaient touché 37 pays en 2008. Le 29 mars, Jacques Diouf, directeur de la FAO, avertissait que «les émeutes de la faim peuvent recommencer. En Egypte, où la moitié de la population survit grâce à un prix du pain subventionné, des manifestations de protestation on déjà fait un mort. Au Pakistan, les prix de l'alimentaire ont grimpé de 15% après les inondations qui ont dévasté un cinquième des récoltes, l'infrastructure agricole du pays et les réseaux de distribution.