La pression augmentait hier sur le chef de l'Etat zimbabwéen, Robert Mugabe, pour qu'il publie rapidement les résultats de la présidentielle du 29 mars, qui pourraient signer la fin de ses 28 ans de règne sans partage et font craindre des violences avec un scénario à la kenyane. Harare se tient le ventre. La situation peut dégénérer à tout moment dès la publication des résultats des élections. L'opposition, qui a déclaré les avoir remportées, suspecte Mugabe de tripatouiller les urnes et la commission de surveillance africaine a laissé planer le doute en faisant état de tricheries dans la capitale bien qu'elle s'est dite satisfaite d'un scrutin qui s'est déroulé sans violence. Le prix Nobel de la paix, le Sud-Africain, Desmond Tutu, très alarmiste, a estimé qu'une force internationale de maintien de la paix pourrait être nécessaire pour protéger les droits de l'Homme au Zimbabwe. L'ex-archevêque anglican sud-africain avertit sur un probable “carnage” dans un pays qui a suffisamment souffert. Signe d'un bouleversement en cours, le quotidien d'Etat The Herald a avoué, hier, que la tendance des résultats du scrutin présidentiel montrait qu'aucun des candidats ne recueillera plus de 50% des voix, ce qui implique un second tour. Avant les élections, le même journal projetait que Mugabe l'emporterait avec 57%. Il s'agit de la première reconnaissance semi-officielle que le président Mugabe n'a pas remporté la victoire annoncée, alors que les résultats se font toujours attendre. Pour les observateurs, le retard dans les résultats indiquait un probable défait de Mugabe. Les Occidentaux ont, à plusieurs reprises, appelé le régime à publier au plus vite ces résultats, Washington et l'Union européenne allant jusqu'à évoquer la victoire de l'opposition. Il est clair que les Zimbabwéens ont voté “pour le changement”, a déclaré la Maison-Blanche. Le ministre slovène des Affaires étrangères, dont le pays préside l'UE, est plus catégorique, estimant que Mugabe avait perdu les élections. Le président sud-africain Thabo Mbeki, mandaté il y a un an par les pays d'Afrique australe pour relancer le dialogue entre le pouvoir et l'opposition au Zimbabwe, observait, en revanche, un silence assourdissant. Sa diplomatie conciliante vis-à-vis du héros de l'indépendance de l'ex-Rhodésie britannique a souvent été critiquée. Au Zimbabwe, selon plusieurs sources, des discussions étaient en cours entre des proches du chef de l'Etat et des représentants de l'opposition (Mouvement pour le changement démocratique) pour négocier un départ en douceur de Mugabe. “Il est prêt à quitter le pouvoir parce qu'il ne veut pas se mettre dans l'embarras en affrontant un second tour”, assurent des sources proches de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique, au pouvoir. Selon ces dernières, seul le chef de l'armée l'en empêche encore ! Le gouvernement a nié l'existence d'un dialogue entre les deux partis et le chef du MDC, Morgan Tsvangirai, a dit préférer attendre que la commission électorale confirme les résultats. Il a toutefois menacé de publier ses propres résultats à la présidentielle si la commission électorale ne le faisait pas mercredi. Cet organe, dont les membres ont été nommés par le chef de l'Etat, s'est contenté jusque-là de publier au compte-gouttes les résultats des législatives, appelant les Zimbabwéens à la patience. Dans ce contexte d'incertitude, la police a déployé davantage de forces. Samedi, quelque 5,9 millions de Zimbabwéens ont voté pour élire leur président et députés, leurs sénateurs et conseillers municipaux, avec le marasme de l'économie pour principal enjeu. L'ancien grenier à céréales de la région est en ruine, avec une hyperinflation supérieure à 100 000%, quatre adultes sur cinq au chômage, et des magasins vides. Mugabe s'est présenté pour la sixième fois consécutive, il partage avec Kadhafi et Moubarak la palme de plus ancien chef d'Etat sur le continent. D. B.