La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH) a remis, hier, au goût du jour, la question de l'abolition de la peine de mort à l'occasion d'une conférence régionale tenue à Alger sous l'intitulée « la peine de mort, perspective régionale arabe, position des institutions de la société civile ». Même si elle n'est pas appliquée depuis des années, la peine capitale existe toujours dans la loi organique algérienne. Ce qui pousse, d'ailleurs, les défenseurs des droits de l'homme à demander son abolition. Ainsi, Me Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH, ne cache pas son souhait de voir l'Algérie la supprimer définitivement sauf dans le cas de kidnapping et d'assassinat d'enfants. « Quelque 150 condamnations à mort sont rendues annuellement par les tribunaux criminels algériens et la plupart sont prononcées dans des conditions qui ne sont pas acceptables », a estimé Me Ksentini qui tient à préciser que le juge se prononce souvent « dans la précipitation », étant donné qu'il traite plusieurs « grandes » affaires à la fois, et ce, dans un délai très court. Jusqu'à ce jour, la tendance hostile à l'abolition de la peine de mort demeure active, mais il faudrait, selon lui, continuer le combat pour faire admettre que l'ère actuelle exige l'annulation de cette peine, comme l'ont fait 105 pays. « Il est inconcevable que l'Algérie ne s'aligne pas sur ces pays, parce que la peine capitale est en elle-même exécrable. L'Etat n'a pas vocation à tuer et la justice non plus », soutient-il, estimant qu'il faudrait mettre en application la solution de rechange, à savoir la perpétuité qui « est plus grave encore que la condamnation à mort ». « Les conditions sont réunies pour son abolition en attendant de voir à quoi aboutira le débat ouvert autour de cette question », enchaîne Me Ksentini. Interrogé sur la possibilité de maintenir cette peine contre les kidnappeurs et les tueurs d'enfants, il a rappelé que la loi algérienne prévoit la peine de mort dans 18 cas. Il a proposé de maintenir cette peine uniquement pour les kidnappeurs et assassins d'enfants. « La justice ne doit pas répondre à l'assassinat par l'assassinat » Raphaël Chenuil-Hazan, vice-président de la Coalition mondiale contre la peine de mort, directeur général de l'association française Ensemble contre la peine de mort, a souhaité que les premières bases de l'abolition de la peine de mort soient établies ici en Algérie. Pour illustrer ses dires, il fera savoir que sur les 198 Etats reconnus par les Nations unies, 140 n'appliquent pas cette peine dont 105 l'ont abolie. Selon lui, « la justice ne doit pas répondre à l'assassinat par l'assassinat d'autant qu'elle est faillible dans plusieurs cas ». Evoquant l'expérience algérienne, Chenuil-Hazan a estimé que l'Algérie est dans une situation singulière et remarquable, puisqu'elle est considérée comme un pays précurseur dans la région après avoir approuvé le moratoire sur la non-application de la peine de mort. Partant du constat que l'opinion publique est fluctuante par rapport à cette question, il a souligné que l'émotion ne doit pas dicter les lois surtout qu'il s'agit « d'une aberration morale et inhumaine ». Haytham Shibli, directeur de recherche et de communication auprès de Penal Reform International, dira, pour sa part, « que tuer au nom du droit est un échec total », soulignant que notre culture est celle du pardon et non pas de la vengeance. L'avocat Miloud Brahimi a confirmé, encore une fois, qu'il a toujours été un abolitionniste. En effet, il a cité l'argument des erreurs judiciaires pouvant condamner à mort des innocents. Il s'interrogera, toutefois, sur les raisons ayant poussé certaines parties à plaider pour l'application de la peine de mort alors que personne ne l'avait réclamée pendant la décennie de tragédies. Me Brahimi est convaincu que la peine de mort sera abolie. Il a souhaité que l'Algérie soit le premier pays arabe à le faire. Il a signalé que parmi les pays musulmans, seuls la Turquie et le Sénégal l'ont supprimée. Le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, Boudejmaaâ Ghechir, a affirmé, quant à lui, que chaque crime a ses conditions. Ce qui oblige la justice à les prendre en considération. Le défi majeur de la question demeure le côté religieux de la question, dira-t-il, expliquant que cette peine n'est pas le droit de l'Etat mais celui des ayants droit qui doivent être consultés avant son application.