Plaider pour l'abolition de la peine de mort signifie-t-il qu'on cautionne des crimes inhumains commis par des personnes à l'encontre d'autres personnes ? Cette question s'invite aujourd'hui dans le débat, en Algérie, après le crime crapuleux perpétré contre deux enfants, Brahim (9 ans) et Haroun (10 ans), enlevés puis tués lâchement, il y a quelques jours, à la nouvelle ville Ali-Mendjeli, à Constantine. Ce drame, qui a bouleversé toute l'Algérie, suscite débats et passions, y compris via facebook. C'est donc dans un contexte encore empli d'émotions qu'intervient Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (Cncppdh). Mais M. Ksentini n'est-il pas, en sa qualité de “premier responsable des droits de l'Homme" en Algérie, habilité à éclairer l'opinion publique sur cet ancien châtiment qu'est la peine de mort ? Avant-hier, lors d'une émission diffusée sur les ondes de la Chaîne I de la Radio nationale, le président de la Cncppdh n'a rien trouvé de mieux à faire que de couper la poire en deux et de s'esquiver, en lançant la balle dans le camp de la justice, plus particulièrement dans celui des juges. Tout en se défendant d'être “pour l'abolition de la peine de mort", Farouk Ksentini s'est prononcé pour la condamnation à la peine capitale “de façon exceptionnelle" à l'encontre des kidnappeurs et tueurs d'enfants. Pour l'avocat, “le juge est la seule personne habilitée à décider d'infliger cette sanction capitale". Le responsable de la Commission consultative a raison de penser que la question de la peine de mort “ne peut être laissée à l'opinion publique", mais il aurait pu trouver les mots qu'il faut pour apaiser la population, mais aussi saisir cette occasion pour interpeller la conscience des Algériens sur la nécessité de s'élever au-dessus des pratiques violentes et barbares. La condamnation à la peine capitale renvoie à un enjeu de taille, celui de la vie humaine. Faut-il tuer une personne reconnue coupable d'un crime ou faire en sorte que l'acte de l'assassin ne reste pas impuni, à travers des peines très sévères ? À l'heure où la violence fait partie du quotidien dans ce nouveau monde, en général, et en Algérie, en particulier, le moment n'est-il pas venu d'aller au fond des choses, de revisiter la longue marche de l'humanité, de susciter la réflexion, en vue de confronter la validité des concepts à la réalité du terrain (état de la justice, du système éducatif, des mentalités, etc.). On ne le dira jamais assez : même si la protection de la vie des citoyens reste une priorité, la peine capitale représente, aux yeux des militants des droits de l'Homme, “une atteinte à la dignité humaine", et son application “une violation des droits humains". En effet, la Charte internationale des droits de l'Homme comprend non seulement la Déclaration universelle des droits de l'Homme, mais également le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que ses deux protocoles facultatifs, dont l'un plaide en faveur de l'abolition de la peine de mort. En Algérie, la loi sur la peine capitale existe, mais elle a été suspendue en 1993, en raison du moratoire appliqué par l'Algérie. L'Algérie s'achemine-t-elle vers la révision de cette loi, pour suivre la tendance mondiale abolitionniste ? Sinon, s'appuiera-t-elle sur la proposition de M. Ksentini, qui appelle au “respect de la volonté populaire", sans prendre la peine de connaître les avis opposés au sein de la société ? Notre pays réservera-t-il la peine de mort aux “crimes de sang", comme le suggère le président de la Cncppdh, en jugeant différemment les crimes commis contre les enfants innocents ? Si tel est le cas, n'est-il pas légitime de rouvrir d'“anciens" dossiers pour rejuger les assassins des femmes enceintes et éventrées et les violeurs et tueurs des jeunes filles ? Devant la multiplication des rapts d'enfants, Me Ksentini a déclaré que “tout comme le terrorisme, ce phénomène est tout nouveau dans notre société et nous devons y faire face". Oui, mais comment ? H A