At-Tufayl Ibn Amr était le chef de la tribu de Daws avant la Révélation. Il faisait partie des notables arabes et se distinguait par son courage et ses qualités humaines. Il nourrissait l'affamé, soulageait les gens dans le besoin et accordait l'asile aux réfugiés. Il appréciait énormément la littérature et était lui-même un grand poète capable d'exprimer avec sensibilité les émotions les plus délicates. At-Tufayl quitta son village à Tihama, dans le sud de la péninsule arabique pour s'installer à La Mecque. La lutte qui opposait le noble Prophète paix et bénédictions sur lui et les mécréants Qurayshites était alors à son apogée. Chaque parti cherchait à sa manière un soutien à sa cause. Le Prophète paix et bénédictions sur lui recherchait de l'aide auprès de son Seigneur Exalté soit-Il. Ses armes étaient la foi et la vérité. Les mécréants Qurayshites, quant à eux, opposaient à son message toutes sortes d'armes et tentaient de maintenir les gens hors de sa portée par tous les moyens possibles. At-Tufayl se retrouva au milieu de cette bataille sans avoir bénéficié d'aucune préparation ni d'aucun avertissement. Il n'avait, en effet, pas connaissance du conflit et ne comptait par conséquent nullement y prendre part. Laissons At-Tufayl que Dieu l'agrée poursuivre lui-même l'histoire : J'approchai de La Mecque. Dès que les chefs Qurayshites me virent, ils vinrent à ma rencontre. Ils me réservèrent le plus chaleureux des accueils et m'installèrent dans une grande maison. Puis leurs chefs et leurs notables se rassemblèrent et me dirent : " Ô At-Tufayl, tu es venu dans notre ville. Cet homme qui prétend être un prophète a ruiné notre autorité et a brisé en éclats notre communauté. Nous craignons qu'il ne parvienne à vous ébranler toi et l'autorité que tu as sur ton peuple tout comme il l'a fait avec nous. Ne parle pas à cet homme. Ne l'écoute en aucun cas, quoiqu'il puisse te dire. Son discours enchanteur provoque la division entre le père et le fils, entre le frère et le frère et entre le mari et sa femme. " Ils continuèrent à me raconter d'étranges histoires et à m'effrayer en me rapportant le récit de ses faits hors du commun. Aussi pris-je la décision de ne pas m'approcher de cet homme, ni de lui parler ou encore de l'écouter. Le lendemain matin, je me rendis à la Mosquée sacrée pour faire la circumambulation (tawâf) autour de la Ka'bah en hommage aux idoles. J'introduisis un morceau de coton dans mes oreilles de crainte que des bribes du discours de Mohamed paix et bénédictions sur lui n'atteignent mes oreilles. Dès que j'entrais dans la Mosquée sacrée, je le vis se tenant près de la Ka'bah. Il priait d'une façon différente de la nôtre. Son attitude d'adoration toute entière était différente. Cette scène me captiva littéralement. Je tremblais devant sa vénération. Malgré moi, je me sentis attiré jusqu'à me retrouver tout près de lui. En dépit des précautions que je pris, Dieu Exalté soit-Il voulut qu'une partie de son discours parvienne à mes oreilles. J'entendis un discours si beau que je m'exclamais : " Que fais-tu At-Tufayl ? Tu es poète. Tu es capable de distinguer la beauté de la médiocrité en poésie. Qu'est-ce qui t'empêche d'écouter les paroles de cet homme ? Si ce qu'il dit est bon, accepte-le et si c'est mauvais, rejette-le. " Je demeurai à ma place jusqu'à ce que le Prophète paix et bénédictions sur lui retourne chez lui. Je le suivis et alors qu'il entrait chez lui, j'entrai également et lui dit : " O Mohammed, les gens de ton peuple m'ont rapporté certaines choses sur toi. Par Dieu, ils n'ont cessé de m'alarmer en me conseillant de me préserver de tes paroles à tel point que je bouchais mes oreilles pour ne pas les entendre. Malgré cela, Dieu me fit entendre quelques-unes de tes paroles et je les ai trouvées belles. C'est pourquoi j'aimerais que tu m'en dises plus sur ta mission". Le Prophète paix et bénédictions sur lui me parla de sa mission et me récita les sourates Al-Ikhlâs (La foi pure et exclusive) et Al-Falaq (L'aurore éclatante). Je jure devant Dieu Exalté soit-Il que jamais je n'entendis quelque chose d'aussi beau. Jamais mission plus noble et plus juste ne me fut décrite. C'est pourquoi je lui tendis sur le champ la main en signe d'allégeance et je témoignai qu'il n'y a de Dieu que Dieu et que Mohamed est Son Prophète. Voilà comment j'ai embrassé l'Islam. Je demeurais pendant un certain temps à La Mecque afin d'apprendre les enseignements de l'Islam et de mémoriser une partie du Coran. Comme je décidai de rentrer auprès des miens, je dis au Prophète : "O Messager de Dieu, les membres de mon clan m'obéïssent. Je m'en retourne auprès d'eux et je les inviterai à l'Islam. " Alors que j'arrivais chez moi, mon père, qui était déjà bien âgé, vint à ma rencontre et je lui dis : " Père, laisse-moi te parler de ce que j'ai vécu. Je ne fais plus partie des tiens et tu ne fais plus partie des miens. " " Pourquoi cela mon fils ? demanda-t-il. J'ai accepté l'Islam et j'observe désormais les préceptes de la religion de Mohamed paix et bénédictions sur lui, lui répondis-je. Mon fils, dit-il, ta religion est ma religion. Va, lave-toi et purifie tes vêtements, lui ai-je dit. Puis, je t'enseignerai ce que j'ai appris. " Le vieil homme s'exécuta et je lui présentai l'Islam suite à quoi il devint musulman.