A l'origine de cette menace qui pourrait emporter le plus jeune Etat du monde : une tentative de putsch de l'ex-vice président, Riek Machar et candidat depuis son limogeage, en juillet dernier, à la présidentielle prévue en 2015. Derrière cette rivalité, se cacherait, selon les analystes, un vieux conflit ethnique. En 1991, en pleine guerre contre Khartoum (1983-2005), les troupes - majoritairement d'ethnie Nuer - de Machar, qui venait de faire défection de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), la rébellion sudiste historique, ont massacré 2.000 civils Dinka, l'ethnie de Salva Kiir, le chef de l'Etat. Vingt-deux ans plus tard et deux ans après sa création, le 14 juillet 2011, les deux parties remettent ça. Les premiers bilans font état de 500 morts, 800 blessés et des dizaines de milliers de déplacés. Machar appelle l'armée à « renverser Salva Kiir » qui a « inventé » de toute pièce une tentative de putsch pour se débarrasser de ses rivaux dans le Mouvement populaire de libération du Soudan, le parti au pouvoir. « S'il veut négocier les conditions de son départ du pouvoir, nous sommes d'accord. Mais il doit partir, car il ne peut plus maintenir l'unité du peuple », dit-il, sur Radio France Internationale. L'ex-vice président accuse Salva Kiir qui s'est dit prêt, mercredi, « à discuter avec lui », de chercher à « allumer une guerre ethnique » qui pourrait contaminer tout le pays, voire une partie de l'Afrique de l'Est. Sur le terrain, la situation est chaotique. Des rebelles, présentés comme des partisans de Riek Machar, se sont emparés, mercredi soir, de la localité de Bor, capitale de Jonglei, un Etat qui fourmille de groupes armés, aux alliances changeantes. « Le risque que les combats prennent une dimension ethnique est extrêmement élevé. Il pourrait conduire à une situation dangereuse », prévient Navi Pillay, la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme. Comme beaucoup d'analystes, elle redoute que les combats ne s'étendent au reste du pays après la prise de Bor, une ville symbolique dans la rivalité entre Salva Kiir et Riek Machar : elle a abrité le massacre de 1991. Les pays voisins s'inquiètent Les Nations unies qui ont perdu, jeudi, trois Casques bleus et l'Union africaine tentent de calmer le jeu dans ce pays où cohabitent plus de 65 éthnies. Ban Ki-moon demande à Yoweri Museven, le président ougandais, qui a déployé à Juba, un détachement de forces spéciales pour assurer la sécurité de l'aéroport et aider à l'évacuation de ses concitoyens, de convaincre les deux parties d'ouvrir un dialogue pour mettre fin à la crise avant que la situation ne dégénère. L'organisation continentale a dépêché, jeudi, à Juba, une mission de paix composée des ministres ougandais, kenyan et éthiopien des Affaires étrangères. Barack Obama, qui a soutenu la création du Sud-Soudan, a annoncé, dans sa lettre au Congrès que 45 soldats américains ont été déployés pour la sécurité des ressortissants américains. Le scénario d'une guerre civile « apparaît désormais terriblement possible », estime l'International Crisis Group, appelant Londres et Washington qui ont envoyé des avions à Juba pour évacuer leurs ressortissants et Oslo - membres de la troïka ayant favorisé l'accord de paix de 2005 - à soutenir les démarches de paix. Certaines « boîtes à idées » laissent croire que les deux protagonistes qui « sont prêts à se parler » ont déjà perdu le contrôle sur leurs troupes.