« Pas d'inquiétude ni de peur, nous nous sacrifierons pour vous, l'armée se sacrifiera pour l'Egypte et les Egyptiens et celui qui vous touchera, nous l'éliminerons. Ne laissez pas ces horribles actes terroristes vous affecter. Vous souhaitez la liberté et la stabilité, cela ne s'obtient pas facilement et vous devez faire confiance à Dieu, à vous-mêmes, et à votre armée et votre police, car nous sommes capables de remettre l'Egypte sur la voie de la stabilité, de la sécurité et du progrès », déclare le général Sissi, ministre de la Défense et vice-Premier ministre, au lendemain de la décision des autorités de classer la confrérie des « ikhwane », vieille de 85 ans, comme une « organisation terroriste » suite à l'attentat à la voiture piégée contre un bâtiment de la police dans le delta du Nil. Le nouvel homme fort de l'Egypte promet de faire face au terrorisme et de faire revenir la « stabilité ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Le parquet a ordonné, jeudi, le placement en détention pour « appartenance et promotion des idées d'une organisation terroriste » et « incitation à la violence » de dix-huit membres de la confrérie. 148 autres ont été arrêtés pour possession de tracts et « incitation à la violence ». Certains analystes préviennent contre le risque de « placer des centaines de milliers de personnes sous le coup de la loi antiterrorisme promulguée en 1992 sur fond de violence de groupes islamistes radicaux », d'« interdire » toute manifestation, alors que les ikhwane organisent quotidiennement des défilés réclamant le retour au pouvoir de Morsi, de suspendre le journal de la confrérie « Liberté et Justice » et le parti politique du même nom, qui a remporté toutes les élections organisées depuis la révolte de 2011. « La décision du gouvernement cautionne les djihadistes qui se sont toujours démarqués de l'option légaliste des Ikhwane », estime François Burgat, un spécialiste des mouvements islamistes, convaincu qu'une « frange » des victimes de la répression ira rejoindre les djihadistes. Une question se pose en filigrane. Les militaires, qui ont promis une « transition démocratique », qui doit se clore par des élections législatives et présidentielle mi-2014, pourront-ils tenir leur promesse ? Pas évident. Considérés désormais comme « terroristes », les dirigeants de la confrérie, qui risquent jusqu'à la peine capitale, pourraient alimenter la violence. Les Etats-Unis sont inquiets. John Kerry, le secrétaire d'Etat, déplore la décision du Caire. Il a exprimé, jeudi, à Nabil Fahmy, son homologue égyptien, « sa préoccupation quant à la désignation terroriste des Frères musulmans ». Depuis la destitution et l'arrestation de Morsi, l'Egypte est entrée dans un engrenage de violence. Les autorités répriment les islamistes, et les plus radicaux de ces derniers mènent des attaques contre des policiers et des soldats. Bilan de cet engrenage : plus de 1.500 morts et des milliers d'islamistes arrêtés.