Dernier épisode de cette phase numéro deux de son plan sécuritaire et politique, le général Al-Sissi a arrêté Mohamed Badie, le guide suprême des Frères musulmans, dans la nuit de lundi à mardi au Caire. La justice égyptienne avait ordonné son arrestation, ainsi que celle de plusieurs autres cadres importants des Frères musulmans, le 10 juillet, une semaine après que l'armée eut destitué et arrêté Morsi, sous le même chef d'accusation lui aussi : incitation à la violence. Le guide avait pu fuir mais il est resté au Caire car il n'a trouvé aucun pays pour l'accueillir. Pas même le Qatar, traditionnellement "havre" de dirigeants islamistes, mais qui a changé de posture avec le nouvel émir qui, contrairement à son père, a fait acte d'allégeance à l'Arabie Saoudite. Le chef de l'historique confrérie a été capturé avec un autre haut cadre du mouvement dans un appartement tout près de la place Rabaâ al-Adawiya, a confirmé le ministère de l'Intérieur égyptien à la télévision d'Etat. Les télévisions publiques comme privées égyptiennes, qui soutiennent quasi unanimement le coup de force des militaires, ont diffusé dans la nuit des images de Badie, 70 ans, emmené par la police et assis dans un bureau, l'air prostré dans sa djallaba blanche. Depuis sept jours, le pouvoir mis en place par l'armée a ordonné la dispersion systématique de toute manifestation des pro-Morsi. Les heurts avec les forces de l'ordre ont fait au total près de 900 morts. Avant l'arrestation de Badie, le frère du chef d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, médecin égyptien idéologue de Ben Laden, auquel il a succédé lorsque les Etats-Unis ont assassiné ce dernier dans sa résidence pakistanaise, a été arrêté en début de semaine à Guizeh, dans la banlieue de la capitale égyptienne, tandis que le fils du guide des Frères musulmans a été tué par balle vendredi au Caire dans les heurts entre forces de l'ordre et manifestants pro-Morsi. Au total, plus d'un millier de partisans de Morsi ont déjà été arrêtés, dont les cadres les plus importants des Frères musulmans. "Nous sommes 90 millions d'Egyptiens et il n'y a que 3 millions de Frères musulmans. Il nous faut six mois pour les liquider ou les emprisonner tous", a tranché un général égyptien, le général Amr, interviewé lundi par le quotidien parisien Le Monde. "Ce n'est pas un problème, nous l'avons déjà fait dans les années 1990. (...) Les Frères ne voient que deux possibilités : soit ils dirigent l'Egypte, soit ils la brûlent. Heureusement, nous sommes l'armée la plus puissante du monde arabe, et la 14e au niveau mondial. Nous sommes le seul pays qui a gagné une guerre contre le terrorisme. Nous savons comment nous y prendre", assure le responsable militaire, qui a occupé de nombreux postes dans toute l'Egypte. Tous les détenus islamistes doivent être jugés à partir du 25 août, tout comme Mohamed Badie. Ce dernier a déjà séjourné à plusieurs reprises en prison, accusé de divers complots pour renverser le pouvoir égyptien dans les années 1960, avant d'être élu à la tête de la confrérie en 2010. Adepte d'un islam rigoriste et radical, né dans le Delta du Nil, il a fait des études vétérinaires avant d'enseigner cette discipline puis de faire ses premières classes dans la mouvance du théoricien et activiste radical musulman Sayyid Qutb pendu par Nasser. Depuis 72 heures, il y a moins de manifestations des Frères musulmans dans les rues du Caire. Le mouvement s'est-il essoufflé ? Le chef de la diplomatie égyptienne par intérim, Nabil Fahmy, a estimé que l'Egypte était "sur la bonne voie". C'est la réponse d'Al-Sissi aux menaces, chantage et pressions engagées par les Occidentaux. Les Etats-Unis n'ont pas décidé pour l'instant d'une éventuelle suspension de leur aide militaire et économique mais l'UE menace de supprimer ses aides insignifiantes en elles-mêmes. Ses ministres des AE se réuniront exceptionnellement aujourd'hui pour s'entendre sur une position européenne commune face à la crise égyptienne. L'Arabie Saoudite et ses partenaires du Golfe, qui jouent l'armée contre les Frères musulmans, ont averti les Occidentaux qu'ils tiendront compte de leur attitude. La menace est claire, Washington et Bruxelles y réfléchiront à deux fois. D. B Nom Adresse email