La situation s'envenime en Ukraine où la protesta se radicalise et gagne tout le pays. Les Ukrainiens auront l'oreille tendue, aujourd'hui, vers Kiev où le parlement se réunira en session exceptionnelle pour parler de la situation politique et Bruxelles où se tiendra un sommet Union européenne-Russie, dont les relations sont tendues par des accusations mutuelles d'ingérence en Ukraine. Olena Loukach, la ministre de la Justice, menace de demander au président Viktor Ianoukovitch d'arrêter les discussions si les manifestants qui ont pris, sans rencontrer de résistance, son ministère dans le centre de Kiev, ne libèrent pas les lieux et si on ne donne pas une chance aux négociateurs de trouver une solution pacifique au conflit. Elle menace aussi de s'adresser au Conseil de sécurité nationale pour lui suggérer « l'instauration de l'état d'urgence ». L'opposition, qui est mobilisée depuis le 21 novembre, date du refus du président Ianoukovitch de signer un accord d'association avec l'Union européenne, fait la sourde oreille. Et bien avant cette menace, à toutes les concessions « sans précédent » faites par le président Viktor Ianoukovitch pour désamorcer la crise. Y compris celle d'avoir plusieurs portefeuilles ministériels dans un gouvernement qu'elle dirigera. Forte des soutiens européen et américaine, elle exige le départ du président Ianoukovitch, la démission du gouvernement de Mikola Azarov, l'annulation, dès aujourd'hui, par le Parlement des lois adoptées le 16 janvier et l'organisation d'élections générales anticipées dès cette année et non en 2015 comme cela est prévu. Incapable d'endiguer la contestation, —l'administration régionale est bloquée dans 14 des 25 provinces —Ianoukovitch consent d'autres concessions : amnistie pour les manifestants arrêtés ces derniers mois en échange de la libération des bâtiments publics, révision du régime de détention provisoire et de la Constitution de 2010 qui donne au chef de l'Etat l'essentiel du pouvoir. Mais l'opposition estime que les propositions de M. Ianoukovitch sont « empoisonnées ». « Elles visent à diviser notre mouvement », affirme Vitali Klitschko, l'ex-boxeur et leader de l'opposition. Sur le terrain, la situation est explosive et les responsables de l'opposition prouvent chaque jour davantage qu'ils n'ont aucun contrôle sur un mouvement disparate porté par une multitude d'organisations. Comme Praviy Sektor, un mouvement d'extrême droite, très actif dans la contestation contre le président Ianoukovitch, ou Svoboda, un mouvement néo-nazi. Certains analystes mettent en garde les enfants de la Révolution orange contre le scénario des printemps arabes. D'autres le font contre le risque d'une division de l'Ukraine. « Selon toutes les analyses, 80% à 90% des Ukrainiens dans l'ouest du pays veulent ce qui est rejeté par 80% à 90% de leurs concitoyens à l'est », affirme Alexander Rahr, un politologue allemand. L'opposition a déjà pris le contrôle de plusieurs assemblées locales dans l'ouest, le nord et l'est du pays.