Des dizaines de milliers d'Ukrainiens sont descendus dans les rues du centre de Kiev samedi en soutien au président Viktor Ianoukovitch, seul un cordon de policiers anti-émeute les séparant des opposants qui campent depuis des semaines sur une place voisine. Au lendemain de l'échec d'une "table ronde" pendant laquelle le chef de l'Etat et les chefs de file du mouvement de contestation n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur une sortie de crise, les manifestants pro-Ianoukovitch ont brandi les drapeaux bleus de son parti et scandé son nom. "Nous sommes venus soutenir le président et l'ordre", a dit Maria Nikolaïeva, 18 ans. "Ianoukovitch est ce que nous avons de mieux pour le moment." Les opposants qui campent depuis le 21 novembre sur la place de l'Indépendance, surnommée "Maïdan" ("La Place"), après une volte-face du président sur la signature d'un projet d'accord d'association avec l'Union européenne, ont promis de rester "le temps qu'il faudra" pour faire plier le pouvoir. Il est peu probable que les contestataires, qui prévoient une nouvelle manifestation géante dimanche, se laissent amadouer par l'annonce, samedi, du limogeage du chef de l'administration centrale de Kiev, Oleksandr Popov, et d'un conseiller à la sécurité nationale. Le procureur général, Viktor Pchonka, a précisé que les deux hommes pourraient être traduits en justice pour avoir ordonné la répression policière brutale du 30 novembre. Samedi, les rues aux abords de la place de l'Indépendance étaient remplies de bus qui ont acheminé à Kiev les manifestants progouvernementaux à partir de Donetsk et d'autres villes de l'Est, russophone, de l'Ukraine, bastion électoral du parti de Ianoukovitch. "Dans tout conflit, les sujets les plus difficiles doivent et ne peuvent être résolus que par la négociation", a déclaré à ses partisans le Premier ministre, Mikola Azarov, dont les opposants réclament la démission. "Les gens ne devraient pas être privés de leur travail et de leurs familles. Disons-leur de rentrer chez eux", a-t-il ajouté en parlant des contestataires. MOSCOU PARLE D'HYSTERIE Les manifestants pro-européens attendaient samedi l'arrivée de deux sénateurs américains, dont John McCain, pour deux jours de discussion avec le pouvoir et l'opposition, au moment où la chambre basse du Congrès américain examine un texte appelant Washington à adopter des sanctions contre l'Ukraine en cas de répression des manifestations. Cette visite pourrait susciter de nouvelles critiques de la Russie, qui a fait pression sur Kiev pour que l'accord avec l'UE ne soit pas signé et avec laquelle Viktor Ianoukovitch a entamé un rapprochement. Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a critiqué vendredi les "ingérences grossières" des responsables politiques européens qui ont fait des apparitions aux manifestations de l'opposition, une critique qui visait notamment la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton. Samedi, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est à son tour monté au créneau pour dénoncer la réaction "hystérique" qu'a suscité, selon lui, la décision de Viktor Ianoukovitch. "Il ne fait aucun doute que des provocateurs sont derrière (les manifestations de l'opposition). Le fait que nos partenaires occidentaux aient apparemment perdu tout sens des réalités me rend triste", a-t-il dit à la chaîne de télévision Rossiya 24. "Il est stupéfiant de voir que le pays est au bord de l'hystérie en raison d'une décision souveraine prise par le gouvernement légitime de l'Ukraine", a-t-il ajouté. Lors de la table ronde organisée vendredi, Viktor Ianoukovitch a défendu son choix de ne pas signer l'accord d'association avec l'UE en invoquant l'état de l'économie ukrainienne qui, a-t-il dit, ne peut être relancée sans un "rétablissement de relations commerciales normales avec la Russie". Après l'échec des discussions, l'un des chefs de file de l'opposition, Vitali Klitschko, a dénoncé un dialogue de sourds pendant lequel les autorités n'ont, selon lui, "pas écouté la moindre demande de l'opposition".