« Le 10 mars, nous avons envoyé un document à nos partenaires américains, européens et chinois et à plusieurs autres collègues. Nous leur avons dit qu'il contenait notre vision des choses. Nous sommes persuadés de la nécessité d'une très profonde réforme constitutionnelle. Nous ne voyons pas d'autre voie pour le développement stable de l'Etat ukrainien que celle de fédération », déclare Sergueï Lavrov, dans une interview à la chaîne Rossia1. Selon le ministre russe des Affaires étrangères, ce qui se passe actuellement dans ce pays est la conséquence d'une crise étatique provoquée par le manque de savoir-faire des dirigeants politiques. « Arrivés au pouvoir, ils n'ont jamais su concilier les intérêts des régions de l'Ouest avec ceux des régions du Sud-Est », explique-t-il. Preuve que la Russie privilégie le dialogue : le coup de fil « franc et direct » de Vladimir Poutine à Barack Obama, son homologue américain. Le premier depuis le début des sanctions. Il lui a proposé, en une heure de temps, d'examiner les démarches de la communauté internationale visant à stabiliser la situation en Ukraine. Selon le service de presse du Kremlin, Poutine a attiré l'attention d'Obama sur « la débauche des extrémistes qui continuent de perpétrer impunément des actes de dissuasion à l'encontre des habitants pacifiques, des structures du pouvoir et des forces de l'ordre à Kiev et dans différentes régions du pays ». Proposition acceptée par Washington : Lavrov et Kerry, son homologue américain, se rencontreront dans les prochains jours pour examiner la « faisabilité » de ces propositions qui seraient, selon la Maison-Blanche, une « copie » de l'offre faite par Kerry à Lavrov, la semaine passée, à La Haye. « Les points de vue de la Russie et des Occidentaux sur la crise ukrainienne se rapprochent », estime le ministre russe. Vendredi dernier, dans un entretien à la chaîne CBS, Obama s'est dit prêt à sanctionner des « secteurs clés » de l'économie russe si Poutine ne retirait pas les troupes qu'il a massées près de la frontière orientale de l'Ukraine. « 100.000 soldats », selon Kiev. « Il y aura d'autres conséquences négatives pour la Russie, des mesures qui vont isoler ce pays du reste du monde, diplomatiquement, économiquement ou militairement, s'il va plus loin », prévient Marie Harf, une porte-parole de Kerry, redoutant comme les Occidentaux que la Russie s'empare d'autres régions. Moscou a beau assurer qu'elle n'a ni l'intention ni l'intérêt à violer les frontières de son voisin de l'Ouest, dans l'est de l'Ukraine. Elle n'arrive, cependant, pas à « désamorcer » les inquiétudes des Occidentaux. La raison ? Si certains Occidentaux sont mal informés, il y a aussi le fait que Moscou ne fait pas grand-chose pour mettre fin à leurs inquiétudes. Pis, certains responsables russes, y compris ceux qui accusent les Occidentaux de « faire monter artificiellement la tension », les alimentent. Quand ils affirment que les évènements de Crimée ont montré « les nouvelles capacités » de l'armée russe, évoquant le désir légitime des peuples de Crimée et des régions de l'Est de l'Ukraine d'être rattachés à la Russie ou s'inquiètent de la situation en Transnistrie, région russophone de la Moldavie. En Ukraine, où la succession s'organise - la présidentielle aura lieu le 25 mai prochain - le discours des candidats annoncés ne plaide guère pour la détente. Ioulia Timochenko, l'ex-Premier ministre, Petro Porochenko, ancien ministre et homme d'affaires, le nationaliste Oleg Tiagnibok, et Dmytro Iaroch, leader du mouvement paramilitaire Pravy Sektor, laissent entendre qu'ils n'accepteront jamais l'idée que la Crimée soit perdue pour l'Ukraine.