En ce moment où l'industrie de l'audiovisuel se réunissait à Cannes, en France, dans le cadre du MIPTV, le marché international des contenus audiovisuels, tenu du 7 au 10 avril, l'actualité regorge de nouvelles sur le redéploiement de la plupart des sociétés multinationales de l'internet vers la production audiovisuelle. Parmi les dernières actualités rapportées par la presse, celle du Wall Street Journal, cité par le site 01net.com, selon laquelle « Yahoo va commander quatre Web séries qui comporteront une dizaine d'épisodes d'une demi-heure, avec un budget compris entre 7000.000 et quelques millions de dollars par épisode ». Pour rappel, le portail a déjà mis la main à la production audiovisuelle, notamment dans les genres reality show et animation. Avec cette nouvelle incursion dans le domaine de l'image animée, et en optant pour produire des séries propres à lui, explique le site www.20minutes.fr « Yahoo deviendrait un service de vidéo à la demande et viendrait concurrencer directement Netflix et Amazon. » Ce redéploiement stratégique était prévisible depuis l'arrivée, il y a un peu plus de deux ans, de la nouvelle patronne de Yahoo, Marissa Mayer, qui a beaucoup misé, pour la relance de la croissance de son groupe, sur le segment de la vidéo. On garde encore en mémoire le bras de fer engagé puis perdu, en 2013, avec le gouvernement français, dont le remuant ministre du Redressement productif de l'époque avait déployé une farouche opposition au rachat par Yahoo de Dailymotion, une société de vidéo à la demande française, dans le cadre de la nouvelle stratégie de contenus de Mme Mayer résolue à « se faire une place dans le marché de la vidéo en ligne pour concurrencer le service YouTube de Google », lit-on sur le site franceinfo.fr. D'après le quotidien américain, Wall Street Journal, Yahoo a entamé une procédure pour « racheter 75% de Dailymotion, avec une option pour acquérir la totalité du capital, alors que le gouvernement ne voulait pas aller plus loin que 50%. » De moindre rayonnement, Dailymotion est tout de même un rival de YouTube, du géant américain de l'internet Google, et enregistrerait, selon le cabinet d'études comScore, « 2,5 milliards de vidéos » visionnées par mois. Autre mastodonte à se mettre de la partie, Microsoft, également doté d'une stratégie de développement d'offres de contenus audiovisuels. Le géant du logiciel a récemment mis sur pied un studio de production baptisé StudioTV Xbox, confiée à une ancienne de la chaîne de télévision CBS. Destinées à être diffusées, d'abord sur sa console de jeu Xbox One, en attendant de trouver d'autres canaux de diffusion, ce sont six productions qui sont déjà dans le pipe de la programmation alors que 12 autres sont en cours de préparation. « Les premières productions à ouvrir le bal dès cet été seront le reality show sur le football Every Street United pour la Coupe du monde, et Humans, un remake de la série suédoise sur les robots humanoïdes de service Real humans », rapporte le site 01net.com qui ajoute que la société de Bill Gates « rechercherait des partenaires pour ouvrir son audience concernant certains contenus », tout en concentrant son attention sur son public de choix, « celui de la Xbox : c'est-à-dire des hommes de 18 à 34 ans. » Présent lui aussi sur le segment de l'audiovisuel, le géant du commerce en ligne, l'américain Amazon, peaufine les dernières retouches pour un ambitieux programme de nouvelles œuvres concocté après avoir pris l'avis de son public. Selon le site des nouvelles technologies de l'information et de la communication www.01net.com, « le département production audiovisuelle d'Amazon avait soumis dix pilotes de séries TV aux clients de son service de VoD Instant Video. Résultat ? Seules six productions ont été plébiscitées par les internautes et seront effectivement lancées ». Parmi les productions prévues en diffusion dans un futur proche, il y a d'abord celles destinées à un public adulte et, poursuit le site « en premier lieu The After, une série dramatique de science-fiction imaginée par Chris Carter, le créateur de X-Files ». Dans ce nouveau « catalogue » du site de commerce en ligne, la presse spécialisée évoque également un autre produit « Bosch, adapté des romans policiers de Michael Connelly » et aussi « la programmation de deux comédies au casting prestigieux : Mozart in the Jungle, écrit notamment par Roman Coppola et interprété par Gael Garcia Bernal, ainsi que Transparent de Jill Soloway, scénariste et coproductrice surSix Feet under ».En plus de productions audiovisuelles destinées aux enfants Amazon gardera une série politique intitulée Alpha House qu'il produira pour une année supplémentaire. De tous les opérateurs internet qui ont investi le champ de la production audiovisuelle, la pépite de Google, You Tube est sans nul doute celle qui introduit les plus profonds bouleversements dans le modèle économique en cours auprès notamment des chaînes de télévision traditionnelles. Ainsi, depuis son développement sur le territoire européen et particulièrement en France, explique un expert sur le site du quotidien français lemojde.fr. « La relation entre les chaînes de télévision et YouTube n'a pas toujours été au beau fixe. » Ce dernier explique néanmoins que le monde de l'audiovisuel français a réagi différemment : « Si certaines chaînes agiles comme BFMTV (49K abonnés et 60M vidéos vues sur la chaîne principale) ou Euronews (59K abonnés et 100M vidéos vues sur la chaîne No comment) ont très vite adopté YouTube dans une logique d'exposition maximale de leurs contenus, la plateforme vidéo a d'abord été perçue par les chaînes TV historiques comme le grand méchant loup dont le développement devait absolument être freiné souvent à travers des actions en justice » écrit-il. Les inquiétudes des chaînes de télévison se fondent sur beaucoup d'éléments, dont celui avancé par l'expert invité par le site lemonde.fr : « Plus inquiétant encore : les moins de 25 ans (encore dominants en usage) ne sont plus les seuls utilisateurs de YouTube. La plateforme draine large. Face à ce raz de marée, les chaînes historiques n'ont pas eu d'autre choix que de basculer d'une posture défensive à une offensive. » L'arrivée des nouveaux acteurs du net dans le monde l'audiovisuel soulève de nombreuses interrogations, notamment pour les opérateurs traditionnels, pour qui, pourtant, martèle l'expert français, « la question n'est donc plus de se positionner ou non sur YouTube mais de développer un écosystème vertueux entre You Tube, le site et applications de la chaîne, les réseaux sociaux, l'antenne, le cinéma... » L'apport des nouveaux intervenants, à l'instar de You Tube, n'est plus à démontrer, puisqu'ils introduisent de nouvelles compétences dans le domaine de l'intermédiation entre les fournisseurs des services audiovisuels, les publics et le monde de la publicité. Comme ce que fait par exemple le site de video You Tube, qui, explique le site lemonde.fr « offre l'opportunité d'installer des marques de programmes auprès d'un public jeune ou à l'inverse, d'identifier de jeunes talents du Web pour alimenter les antennes. » Le bouleversement va un peu plus loin, selon l'expert français qui a publié sa contribution sur ce sujet sur le site du journal lemonde.fr, puisque le service vidéo de Google impose de nouveaux formats de programmation qui permet aux services de diffusion audiovisuels de « passer d'une audience importante basée sur peu de programmes coûteux, à une audience résultant de l'accumulation de vues sur une multitude de contenus peu chers. » Une évolution qui impose aux télévisions traditionnelles de revoir leur mode de production pour faire plus, plus rapidement et à des coûts réduits. Mais pas que cela, selon le site du quotidien français, puisque, écrit-il, « cela suppose également de se doter d'une nouvelle compétence : le Channel manager, hybride entre responsable de programmation TV et community manager. » En plus de tout cela, les analystes relèvent également le poids des nouveaux entrants sur le partage des recettes publicitaires ; Youtube s'imposant de plus en plus sur ce marché, il devient alors impératifs pour les télévisions « historiques » de faire avec et de s'adapter, faute de quoi, avertit l'expert français, « à court terme, il en va du rayonnement de leur marque et de leurs contenus. A moyen terme, si ce modèle devenait dominant, il en va même de leur avenir. » Spécifiquement pour le paysage audiovisuel français, les motifs de crainte se démultiplient, avec l'arrivée prochaine du fameux service de vidéo à la demande Netflix, présenté par le patron de l'opérateur français Orange, cité par le journal lefigaro.fr, tel « un rouleau compresseur, ou un bulldozer, qui va arriver avec une immense campagne de marketing. Il propose un produit qui peut avoir un impact profond, et donc bousculer les équilibres qui existent aujourd'hui dans le paysage audiovisuel », notait la semaine dernière dans une interview le P-DG d'Orange. Pour rappel, souligne le site du quotidien français, ce service initié « en 1997 par deux génies du Web... pèse aujourd'hui 30 % du trafic Internet en soirée aux Etats-Unis, son pays d'origine, et comptait, fin 2013, quarante-quatre millions d'abonnés à travers le monde. » Avec « un catalogue de plus de 100.000 films, séries et séries d'animation proposés en flux continu et disponibles de façon illimitée sur ordinateurs, consoles de jeux, télévisions connectées et tablettes (plus de 1.000 supports) pour la modique somme de 8 dollars par mois (environ 6 euros) », explique le figaro.fr, Netflix ratisse large dans le domaine de la production audiovisuelle en achetant les œuvres d'autres producteurs qu'il diffuse simultanément en ligne, amis aussi en misant sur ses productions propres qu'il fait diffuser par des télévisions traditionnelles « telle House of Cards, diffusée par Canal+ », souligne le site du quotidien français qui fait remarquer que « s'il a annoncé vouloir s'impliquer dans la production de contenus français, son arrivée met en danger les audiences des chaînes Canal+, mais aussi les chaînes gratuites. »