Des citoyens sont devenus par la force des choses des lève-tôt. Ils partent à la recherche d'un sachet de lait chez l'épicier du coin. Tous les jours que Dieu fait, de longues files d'attente se forment pour s'approvisionner en ce produit de large consommation. Des hommes, des femmes âgées et même des enfants se dépêchent pour acheter le fameux sachet de lait de 25 DA. Les retardataires n'ont qu'à revenir le lendemain pour prendre du lait pasteurisé en boîte à raison de 85 DA. La tension sur le lait en sachet perdure même si le produit est disponible sur le marché. M. Kacem, commerçant à la Casbah, se veut pourtant rassurant. « Depuis l'an dernier, je reçois tous les jours quelque 2.000 sachets. J'en écoulais jusqu'aux alentours de 10h » nous dit-il. « Mais depuis la pénurie de lait de février dernier, le nombre des lève-tôt n'a cessé de grandir ». Un autre épicier au niveau de la Rue Debbih Cherif affirme qu'il n'arrive pas à comprendre ce phénomène. « On dirait que le nombre de demandeurs de ce produit a doublé », a-t-il indiqué. Du côté des consommateurs, Merzak, père de 4 enfants, affirme qu'il se lève pour accomplir la prière du Fedjr et au retour il se dirige vers l'épicier pour acheter du lait. « Je fais deux en un » a-t-il répondu en souriant. Ce quinquagénaire aux cheveux grisonnants évoque le pouvoir d'achat qui « ne cesse de dégringoler » selon ses propos. « D'où la demande qui a augmenté » selon lui. A la rue de Tanger, c'est le même scénario entre cinq heures et six heures. Des files d'attente s'étirent devant les épiciers, avant même l'arrivée du lait d'un fabriquant privé. « Nous faisons la chaîne pour avoir deux sachets, ce qui est loin de satisfaire une famille nombreuse », avance un quadragénaire. « Le camion livreur de lait ne passe que deux fois par semaine. De plus, même les quantités que l'on nous livre sont réduites de moitié. Ce qui a exacerbé cette pénurie » explique son voisin. Un autre client tonnera : « Le camion livreur passe à l'aube. Les commerçants livrent la quantité aussitôt. Un fonctionnaire qui se lève tôt, pour rejoindre son poste de travail, ne peut pas attendre le camion, ni encore moins faire la chaîne ». « Je ne peux me rabattre sur le lait en poudre tout le temps » se désole-t-il. Un autre « chaînard » déplore la quantité des produits vendus : « Non, ils mentent. Les livreurs ne distribuent pas la quantité nécessaire. » Un autre dénonce la malice des commerçants qui vendent ce produit de première nécessité sous le manteau. « Certains commerçants cachent le produit dans le congélateur pour les abonnées et les connaissance. Tant pis pour nous si on se lève à 5 heures du matin qu'il vente ou qu'il fasse froid ». A la rue de Tanger, on croise même quelques vieilles femmes qui viennent aussi pour chercher du lait.