Le pain traditionnel, dans ses multiples variétés, commence à concurrencer de plus en plus les baguettes fabriquées dans les boulangeries. La vente de celles-ci n'est plus cantonnée aux bordures des marchés de la capitale. On remarque, ces derniers temps, une prolifération de ce genre de commerce dans presque tous les quartiers. Aux environs de midi, une multitude de clients, parmi lesquels les femmes, se bousculent devant ces petites boutiques, tenues par des hommes, proposant des galettes en orge ou en farine, du « m'semen, m'hadjab » et toute la panoplie des gâteaux que les femmes actives n'ont plus le temps de préparer ou tout simplement ne savent plus faire ! Pourquoi une telle demande sur ce genre de pain et de produits de terroir ? Ce commerce est-il vraiment rentable ? Des petites boutiques, gérées généralement par de jeunes débrouillards, assurent le service. Conscients de l'aubaine, Mourad et Djamel ont investi d'abord timidement avant de s'y impliquer totalement au quartier Meissonnier. « Il est vrai que ce créneau nécessite un travail de tous les instants. Il n'en est demeure pas moins très lucratif », dira Djamel. Pour se lancer dans cette aventure, ces jeunes ont mobilisé un minimum d'investissement : un petit local bien sûr, un pétrin, une plaque chauffante et surtout beaucoup de cœur à l'ouvrage. Armés de leur courage et d'une volonté à toute épreuve, ces deux jeunes évoluent, depuis plus d'une année, en toute aisance. Ils pensent même s'installer dans d'autres quartiers. Feraient-ils concurrence aux femmes ? « Bien au contraire, elles sont trop heureuses de nous leur faire épargner ce qu'elles appellent une corvée », rétorque Mourad avec un air malicieux. Par contre, ils surveillent les autres « débrouillards » comme eux. Ils commencent à ouvrir des boutiques dans « l'houma » et risquent de nous chiper quelques fidèles clients avoue franchement Djamel. Sur la qualité du produit, les clients sont unanimes : « Le pain est appréciable ». Interrogé sur le secret de la qualité de cette galette, Mourad affirme que « la préparation de la galette n'est pas une chose aisée. Elle nécessite du temps et certaines astuces ». L'hygiène, un paramètre inéluctable A quelques encablures du local de ces deux jeunes, un autre marchand de galettes, Nassim, a ouvert une petite boutique où il écoule toutes sortes de gaufres. Derrière le comptoir, une demi-douzaine de tadjines contenant des galettes sont surveillée par un apprenti. « Nous sommes, dorénavant, des gardiens des préparations culinaires traditionnelles » plaisante Nassim. Il affirme qu'il travaille sans interruption et dans des conditions difficiles pour satisfaire sa clientèle qui commence à devenir fidèle. Pour arriver à ce stade, il commence le travail très tôt le matin pour ne terminer que tard en fin d'après-midi. « Tous les travailleurs de l'hôpital viennent s'approvisionner en galettes et autres préparations », a-t-il indiqué. « Si dans chaque quartier il existent un ou plusieurs fours traditionnels. Les habitants y font cuire le pain, les gâteaux et les plats, je pense que les boulangeries et les pâtisseries vont fermer », dira un client. « Depuis que ces jeunes commencent à préparer de la galette traditionnelle, je mets rarement les pieds chez les boulangers » a-t-il ajouté. Un autre client tire « chapeau bas » à ces jeunes qui permettent aux foyers de continuer à déguster de la bonne galette traditionnelle. Une femme qui paraît très méticuleuse insiste sur les règles de l'hygiène. « Je prends leur pain en toute sécurité » dira-t-elle. Armés de courage et d'une volonté de fer, des centaines de jeunes évoluent en toute aisance sur le terrain déserté par leurs mères, sœurs ou femmes. Ils gagnent honorablement leur vie et garantissent la pérennité de l'art culinaire traditionnel.