Retour à la normale dans les relations américano-égyptiennes. Après un long « froid » causé par la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, mais aussi par le rapprochement des nouvelles autorités égyptiennes avec la Russie, très mal percu par Washington, les deux pays semblent revenir à de meilleurs sentiments au nom du « pacte stratégique » en vigueur depuis les accords de Camp David en 1978. Le pays du Nil a été, hier, la première escale — non annoncée — dans le cadre de la tournée diplomatique du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, au Moyen-Orient et en Europe, visant à trouver une issue consensuelle au conflit en Irak où le gouvernement fait face aux groupes terroristes de l'Etat islamique de l'Irak et du Levant (EIIL). L'enjeu est de taille pour Washington dont toute intervention, militaire notamment, dans la région nécessite un franc appui de la part du Caire. Ainsi, Kerry, le plus haut responsable américain en visite dans le pays depuis l'investiture, il y a deux semaines, de Sissi, a affirmé que « les Etats-Unis étaient très intéressés par l'idée de travailler en étroite collaboration avec le nouveau gouvernement pour que la transition se déroule de la façon la plus rapide et la plus fluide possible ». Plus qu'une simple profession de foi, des responsables américains ont annoncé que Washington avait débloqué 572 millions de dollars d'aide à l'Egypte il y a une dizaine de jours après avoir obtenu le feu vert du Congrès. Cette tranche représente une partie de la substantielle aide américaine à son grand allié arabe — 1,5 milliard de dollars, dont quelque 1,3 en aide militaire — qui avait été gelée en octobre, l'administration américaine la conditionnant à la mise en place de réformes démocratiques. En rencontrant son homologue égyptien, Sameh Choukri, le chef de la diplomatie US a néanmoins estimé que le processus de transition connaissait un « moment critique », évoquant « les défis énormes » qui attendent l'Egypte dans sa transition vers la démocratie. Washington a régulièrement fait état de ses craintes au sujet de la répression de l'opposition, notamment pro-Morsi, et des « tactiques » du gouvernement qui, selon les Etats-Unis, « divisent » la société égyptienne. Les propos critiques du patron du département d'Etat sont loin d'être fortuits, puisque cette visite intervient au lendemain de la confirmation de 183 condamnations à mort par un tribunal du centre de l'Egypte, dont celle du chef de la confrérie des Frères musulmans de Morsi, le guide suprême Mohamed Badie. Ces peines capitales ont été prononcées sur fond de répression implacable des pro-Morsi et notamment de sa confrérie, déclarée « terroriste » et interdite, qui a fait en près d'un an plus de 1.400 morts et quelque 15.000 arrestations. En tout état de cause, en avril, des responsables américains avaient annoncé que la reprise de l'aide était prévue, notamment la livraison de 10 hélicoptères Apache, toujours bloqués aux Etats-Unis, pour appuyer l'armée égyptienne qui fait face à des attaques terroristes quasi quotidiennes dans la péninsule désertique du Sinaï. Mais les 10 hélicoptères sont toujours aux Etats-Unis, ont précisé, hier, ces responsables. Le ton est donné : la reprise de l'aide en contrepartie d'un dialogue constructif.