Un jour, le marabout Sidi Boumediene, passant dans une ville du Maghreb-el-Aqsa, aperçut un lion qui dévorait un âne. Pendant ce temps-là, le propriétaire du baudet, qui était un pauvre diable, se tenait à l'écart, contemplant tristement cette lugubre scène. Il pleurait, se lamentait et, avec ses ongles, se déchirait le visage. Sidi Boumediene s'avançant résolument vers le lion, le saisit par la crinière et l'amena au malheureux ânier. « Prends-le, il est à toi. Désormais, il fera le service de l'âne qu'il t'a dévoré. Mais... je n'en veux pas, il m'inspire trop de crainte. N'aie aucune frayeur, reprit le marabout, désormais il est dans l'impuissance de te nuire. A moitié rassuré, mais convaincu par le ton magistral de celui qui ainsi l'interpellait, le propriétaire du baudet défunt prit le lion par la crinière et l'emmena. L'animal se laissa conduire avec la docilité d'un chien lévrier. La foule qui s'était rassemblée faisait entendre de grands cris de surprise et d'admiration. Mais il arriva qu'un jour, sur le soir, l'homme au lion s'en revienne trouver Sidi Boumediene et lui dit : « Maître, votre pouvoir est très grand. Ce lion que vous avez rendu si docile me suit partout ; mais, véritablement, j'en ai grand peur ; je ne puis continuer de le garder en ma compagnie ; reprenez-le, je vous en prie. » Et le marabout Sidi Boumediene reprit : « Ô homme sans foi et sans courage, qu'il soit donc fait suivant votre volonté ! » Puis, s'adressant au lion, il ajouta : « Eloigne-toi, et ne reviens plus. S'il arrive qu'un de tes pareils porte préjudice à une créature humaine, je donnerai à cette créature le pouvoir de se rendre maître de toi. » Et le lion s'enfuit et ne revint plus. El-Bostan fi-dikr el-Aouliya wa El oulama bi-Tilimsan.