L'administration française a décidé, à partir des années 1860, de lancer des aménagements d'urbanisme au cœur de la ville de Constantine dans le but de raser les quartiers arabes et y élever des immeubles neufs pour accueillir les colons. En quelques années, la vieille ville est coupée en deux avec la construction de la route nationale (actuellement Larbi Ben M'hidi) qui traverse les quartiers arabes et se prolonge jusqu'à la gare à Bab El Kantara. Des maisons, des rues, des mosquées et des zaouias vont disparaître à tout jamais. La mosquée Djamaâ El Kebir fut cependant épargnée mais tout comme le palais Ahmed Bey ou la mosquée El Ketania, cet édifice a dû subir des transformations. La façade se prolongeait jusqu'au foundouk Ezit et servait à l'époque de dortoir et même d'annexe à la mosquée. Les Français ont donc amputé à la mosquée cette partie pour en faire une école primaire. Aussi, la cour même a été rétrécie, tout comme le minaret de 25 m de haut qui a subi des travaux de confortement pour changer de forme. Situé au cœur de la ville de Constantine, Djamaâ El Kebir est l'un des rares édifices antérieurs à l'époque ottomane encore debout. Il y a beaucoup d'hypothèses sur la date de sa construction, l'historien Rachid Bourouiba affirmant que Djamaâ El Kebir fut bâti à la fin du 12e siècle. Les Turcs, les Français et récemment les entreprises algériennes ont modifié l'aspect architectural et l'intérieur de la mosquée. Toutefois, cet édifice a gardé une certaine originalité et est considéré comme une mosquée-musée. D'abord son emplacement qui fascine toujours les archéologues du fait qu'elle fut édifiée sur un temple romain celui de la confédération cirtéenne. A l'intérieur, ce qui est remarquable, nous fait savoir Kouri Nouha, coordinatrice des projets de restauration à l'OGEBC de Constantine, ce sont les colonnes et leurs chapiteaux. En tout, il y en a 70, de toutes formes, de pierres différentes, chacune présentant une spécificité et est construite avec des matériaux de l'ancien temple qu'on a réutilisés (c'est ce qu'on appelle du sacré au sacré). L'une des colonnes est couverte d'une inscription en latin, ce qui prouve donc que la pierre remonte à l'époque antique. Aussi, son grand portail est garni de clous et de ferrures, une originalité que l'on ne trouve nulle part ailleurs en Algérie. La surface bâtie de la mosquée est de 530 m2. On y trouve une grande salle de prière, une cour extérieure, de petites salles réservées les vendredis aux femmes et utilisées pendant le reste de la semaine comme école coranique. La mosquée est actuellement en restauration, les travaux ayant été lancés il y a trois mois dans le cadre de la manifestation culturelle arabe de 2015. Mlle Kouri nous signalera à ce propos qu'avant d'entamer les travaux, le bureau d'étude devait effectuer des investigations puis présenter un diagnostic. Au début des années 2000, une opération de rénovation fut lancée par la direction d'urbanisme (DUCH) de wilaya, ce qui un échec, et surtout des travaux qui ont malheureusement endommagé quelques parties de la mosquée, surtout les colonnes que les maçons ont dû piquer pour poser de la faïence.