Le réquisitoire prononcé dans une allocution télévisée contre le président irakien, accusé de violations constitutionnelles, le place en porte-à-faux contre l'éventualité de son éviction de la course au poste de Premier ministre dont il a la charge de former le nouveau gouvernement. Mais bien au-delà du formalisme juridique de la Cour fédérale, cette bravade est par excellence l'expression du refus de l'alternance et la nette confirmation de l'autoritarisme dont il est accusé par ses adversaires sunnites. Dans un Irak au bord de l'éclatement, livré à la barbarie de l'Etat islamique trônant sur un émirat à la périphérie de Baghdad, la bataille de la crédibilité fragilise un Maliki souffrant à la fois des divergences avec le partenaire kurde, menaçant de recourir au référendum d'indépendance, et de son impuissance à faire face au mouvement insurrectionnel islamiste au Nord. Bien plus, le profil contesté du chef de file de la coalition chiite ne répond plus au choix de son propre camp plus favorable à un candidat consensuel, ouvertement défendu par le haut dignitaire l'ayatollah El Sistani. Un nouveau candidat, en la personne de Haider Al-Abadi, a même été désigné par le bloc chiite du Parlement irakien. Il a reçu l'onction des Etats-Unis qui l'ont exhorté à former « un gouvernement et un programme d'envergure nationale aussi vite que possible », a souligné Brett McGurk, le diplomate du département d'Etat chargé de l'Irak et de l'Iran sur son compte Twitter. « Les pays est entre vos mains », a renchérit le président Massoum lors d'une brève cérémonie retransmise en direct à la télévision. Le sort du troisième mandat définitivement scellé ? Sur le gril, El Maliki ne veut, cependant, pas lâcher prise et a procédé, peu avant son allocution télévisée, à un déploiement des forces dans des zones stratégiques de Baghdad quadrillé. La défiance, porteuse de risques de déflagration, marque un sérieux revers aux efforts de la communauté internationale mobilisée pour favoriser l'avènement d'un gouvernement d'union nationale dont précisément l'accès à la présidence de Fouad Massoum constitue le premier pas pour juguler la crise politique et sortir de l'état de paralysie gouvernementale. Cette exigence fondamentale se devait d'accompagner l'intervention militaire américaine remplacée à terme par une offensive conduite par un l'Etat restauré et engagé dans la bataille contre le terrorisme. A cette fin, la sortie musclée du secrétaire d'Etat John Kerry, exprimant son soutien au président Massoum, sonne le désaveu d'El Maliki appelé à ne pas « causer des problèmes » et de ne pas ajouter une crise politique aux urgences militaires et humanitaires. Il a invité les Irakiens à « rester calmes », tout en insistant sur le refus du « recours à la force, d'immixtion de militaires ou de milices dans cette étape démocratique ». De Sydney, le chef du Pentagone, Chuck Hagel, a jugé « très efficaces » les frappes américaines qui ont commencé à influer sur le rapport de force sur le terrain. Au Nord, les peshmergas en difficulté reprennent pied en libérant, dimanche, les villes de Makhmour et Gwer, selon un porte-parole des forces kurdes, Halgord Hekmat. Soutenus par les Américains, évaluant « en permanence la façon d'aider les forces de sécurité irakiennes et (...) de travailler avec le gouvernement irakien », estime Chick Hagel, les Kurdes et les Irakiens vont être approvisionnés en armes de « manière sûre » par la France, lançant avec l'Italie, qui assure la présidence européenne, une initiative pour la convocation d'une réunion extraordinaire des ambassadeurs de l'UE, prévue pour aujourd'hui. « Il ne s'agit pas d'une intervention militaire mais d'un soutien, y compris militaire, au gouvernement kurde », a déclaré Federica Mogherini, ministre italienne des Affaires étrangères. Il n'est pas aussi « exclu » la tenue d'une « réunion spéciale du Conseil des ministres des Affaires étrangères », demandée dans une lettre adressée à Mme Ashton par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, de retour d'une mission à Erbil, la capitale du Kurdistan. Face à la demande d'armements du président du Kurdistan, Massoud Barzani, l'Europe renforce son soutien pour répondre à l'appel à l'aide kurde. Erbil sauvé des griffes de l'EI, accusé par la ligue arabe de « crimes contre l'humanité », et Baghdad otage de la course au pouvoir : l'image ubuesque de l'Etat déliquescent consacre la partition de l'Irak pleinement accomplie par l'énigmatique El Baghdadi sorti des laboratoires américains.