L'échec du modèle de démocratisation à l'américaine, générant le chaos généralisé, traduit par l'effondrement de l'Etat, miné par la guerre confessionnelle, les divergences avec le Kurdistan autonome, la mise en déroute de l'armée, totalement déstructurée par les purges lancées contre les éléments du Baâth, et la débâcle révélatrice des Peshmergas aux moyens reconnus dérisoires ? Plus rien ne semble inquiéter l'avancée de l'EI qui se taille la part de son émirat irako-syrien désormais aux portes d'Erbil. Le scénario du pire d'Obama, en candidat déclaré de la fin des guerres impériales, se conçoit à l'inverse dans « un projet à long terme » des frappes aériennes ciblées pour tenter d'affaiblir l'EI et renforcer la sécurité en Irak. La mise en garde adressée aux Américains est conditionnée par la poursuite de l'engagement militaire « sans calendrier précis ». Au cours de son allocution hebdomadaire, le président américain a reconnu la difficulté de régler « le problème en quelques semaines » qui, en conséquence, va devoir « prendre un certain temps ». Le plan de bataille privilégie la donne sécuritaire aux conséquences incontournables en matière de changement politique et militaire. Soit les nécessaires réformes des forces de sécurité, tenues de remplir leur rôle dans l'éradication de la menace de l'EI, et, bien évidemment, l'avènement d'un gouvernement d'union nationale que la communauté internationale appelle de tous ses vœux. « Le calendrier le plus important est, aux yeux d'Obama, celui qui permettra au gouvernement d'être finalisé, car sans gouvernement, il est très difficile pour les Irakiens de lutter contre l'EI. Pour partie, ce que nous faisons en ce moment est de leur préserver un espace pour mener à bien ce travail nécessaire. » L'exigence d'un « gouvernement de large unité », plaidée également par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, interpelle le Premier ministre irakien contesté, Nouri El-Maliki, à lâcher du lest pour contribuer au règlement de la grave crise institutionnelle. Au pouvoir depuis 2006, El Maliki est tout aussi bien confronté à la grogne des Kurdes menaçant, par voie référendaire, de proclamer leur indépendance, qu'à la contestation de la communauté sunnite criant à la marginalisation et à la répression. La coupe déborde même dans le camp chiite qui, à l'image du plus grand dignitaire, le grand ayatollah Ali Sistani, déplorant récemment qu'il « y ait des personnes qui ne veulent pas le bien du pays », ouvertement acquis à un candidat plus consensuel. Mais le départ d'El Maliki, considéré comme une composante essentielle de la solution, n'est pas à l'ordre du jour pour le vainqueur des législatives du 30 avril qui oppose le respect de la Constitution.« Toute rupture dans le processus constitutionnel ouvrira les portes de l'enfer sur l'Irak », a averti El Maliki. L'imbroglio irakien, en partie atténué par la désignation du député kurde Fouad Massoum à la présidence du pays, entérinée le 24 juillet en vertu des dispositions de la Constitution de 2003, pèse sur le destin collectif de l'Irak pris au piège des ambitions individuelles et des instincts revanchards qui laissent grandes ouvertes les portes de l'enfer des bombes pleuvant sur Erbil et Baghdad.