On s'en souviendra longtemps du premier coup de canon annonçant la rupture du jeûne. Dans la mémoire collective, il ne se passe pas un instant pour remonter le cours de l'histoire et remettre en scène ce magnifique «coup de baroud» sur le penon de l'amirauté. La longue attente sur les terrasses pour ovationner un bruit sourd sur la rade d'Alger faisait partie du cérémonial du mois sacré du ramadhan. Les tout premiers jeûneurs dans leurs plus beaux costumes, sont les premiers à être honorés dans un plus beau décor féérique. C'est le cri des mioches qui intervient après l'annonce de la rupture ; «C'est Boum Boum…. On doit manger !! Ce légendaire cri ramené jusqu'à nous grâce au relais populaire, n'est que vague souvenir. Aujourd'hui, rien ne subsiste, l'atmosphère monotone a pris le pas sur la joie des enfants avec leurs mélodieux chants louant les bienfaits du carême. Il en restera quand même cette lucidité chez certaines familles gardiennes de valeurs traditionnelles, on les reconnaît dans les maisons périphériques de la capitale. Elles sont nombreuses à élire domicile dans le Fahs. A Baba Hassen et Koléa on les retrouve jalousement campées dans leurs traditions. Dans les cours de maisons, les vieilles dames assises devant la meïda s'affairent à rouler les cheveux d'anges (Mektfa) un geste ancestral qui revient à chaque période de jeûne mystifier le bol de chorba. Le soir venu, après les prières surérogatoires, ce sont les visites familiales, on déploie le grand jeu pour en faire de succulentes poésies. La bokala s'installe dans un lyrisme enchanteur avec la promesse d'un lendemain meilleur. On se passe le mot clé pour dénouer une charade pour faire un vœux à l'adresse de celui (ou celle) choisi par le sort. Dès les premières de l'aube, les rues ou ruelles de la citadelles toujours hantés par l'appel du Tebal (l'annonciateur du S'hor) font dégager la forte odeur de jasmin ou de fleur d'oranger. A chaque coin de rue, un plateau de kalb el louz parfumé d'eau de rose continue à résister à l'usure du temps. La joviale troupe de Zorna manquant à l'appel cède le pas au vide sidéral. Les timides soirées culturelles organisées lors du vingt-septième jour du ramadhan ne sont toujours pas de taille à combler l'opulence féerique du ramadhan. Dans ce triste constat festif, subsiste encore les derniers templiers des traditions ramadanesques.