Au cours de la passation, marquant la transmission pacifique du pouvoir d'un président élu à un autre, la mise sur les rails du processus démocratique en Afghanistan est tout à la fois l'expression de la légitimité du vainqueur du scrutin contesté du 14 juin et la consécration du compromis historique qui a scellé la réconciliation de l'heureux élu, l'économiste Ashraf Ghani, et son rival, Abdullah Abdullah, criant à la fraude massive. L'assermentation, prévue aujourd'hui, du nouveau président (55% des voix à l'issue d'un audit inédit des huit millions de bulletins de vote) qui succède à Hamid Karzai a mis fin aux turbulences d'une crise porteuse de risques réels de partition entre la communauté pachtoune du Sud et les Tadjiks du Nord respectivement acquis à Ashraf et Abdullah Abdullah. L'échafaudage tient bon. La répartition du pouvoir consacre un équilibre entre les deux hommes forts intronisés à la tête de la présidence et en « chef de l'exécutif », l'avènement d'un gouvernement d'union nationale, la volonté de procéder aux réformes nécessaires dans la loi électorale et la révision constitutionnelle. La fin de l'ère Karzai plébiscite le nouveau destin de l'Afghanistan aux promesses de changement vantées par le président sortant. Lors de son dîner d'adieu prononcé devant les ambassadeurs en poste à Kaboul, Hamid Karzai se veut optimisme sur l'avenir de l'Afghanistan qui connaîtra bientôt « la paix et la stabilité ». Tout en assurant son successeur et le gouvernement de son soutien, il a mis en exergue les réalisations réussies pendant son long règne entamé, le 22 décembre en président de l'Administration intérimaire, jusqu'à la fin de son 2e mandat. « Les enfants vont désormais à l'école, les routes ont été reconstruites, des progrès ont été réalisés dans le secteur de la santé et le drapeau afghan flotte fièrement à travers le monde », a égrené celui qui reconnaît l'importance du « soutien international ». Fini le temps des interdits de l'ordre de la terreur imposant le port de la burqa et fermant les portes des écoles aux filles. Mais, à l'orée du retrait de l'Otan (41.000 soldats dont 29.000 américains, 33 bases contre 800 il y a quelques années), la délicate mission sécuritaire est confiée aux 35.000 soldats et policiers afghans, soutenus par une force étrangère majoritairement américaine de quelque 12.000 soldats chargés de former et d'encadrer, après 2014, les forces locales. Même si le général Carsten Jacobson, vice-commandant de la mission de l'Otan en Afghanistan (Isaf) juge que « le tableau n'est pas vraiment aussi sombre », la campagne massive des talibans (entre 80 et 100 civils et membres des forces de sécurité tués, dont 12 par décapitation dans la seule province de Ghazni) a ravivé les inquiétudes sur les capacités de riposte de l'armée afghane. C'est sous haute surveillance que la cérémonie de passation a été effectuée à Kaboul. Une bombe cachée dans un véhicule a explosé près du palais présidentiel. L'ombre des talibans pèse sur la transition sous la menace du nouveau « Daech » proclamé, selon la presse afghane, dans la province endeuillée de Ghazni, au sud. Face aux déficiences constatées des troupes afghanes, Ashraf tout comme Abdullah Abdullah n'ont d'autres alternatives que de s'engager à signer l'accord bilatéral de sécurité avec les Etats-Unis codifiant la présence américaine jusqu'à la fin 2016.