« C'est un signal important que le président d'Ukraine a écouté ses électeurs et le commandant en chef a écouté l'armée », écrit le chef du bataillon de volontaires Donbass, Semen Sementchenko, sur sa page facebook. Cette sortie musclée signe la remise en ordre de la maison ukrainienne ébranlée par la série de revers essuyés sur le front militaire et les retombées de la récession économique. Pour la troisième fois, depuis février dernier, le départ précipité du ministre de la Défense, Valeri Gueletei, rendu responsable de la débâcle de l'Est, traduit le malaise ukrainien. Il est accusé d'« incompétence » pour avoir échoué à reprendre le contrôle d'une partie du bassin houiller russophone du Donbass et de la frontière russo-ukrainienne. Tout autant que son prédécesseur, Igor Tenioukh, passé à la trappe après la perte jugée humiliante de la Crimée, le ministre de la Défense démissionnaire a fait les frais de la « tragédie d'Ilovaïsk », une ville stratégique du Donetsk où l'armée ukrainienne a vécu sa pire défaite : 108 soldats ont laissé leur vie, deux fois plus si l'on en croit le bilan évoqué par la presse. En se séparant de son ministre de la Défense, remplacé par le commandant de la Garde nationale, Stepan Poltorak, le président ukrainien travaille à la stabilisation du front interne à la veille de la date butoir des législatives et des rendez-vous diplomatiques jugés cruciaux. Les signaux de la relative accalmie, observée ces derniers temps, confortent les espoirs de paix nés de l'accord de Minsk, conclu le 5 septembre dernier. Le retour à la table du dialogue s'avère inévitable pour Porochenko qui, dans un discours à la nation prononcée dimanche, a déclaré s'attendre à des « négociations difficiles », même s'il dit espérer « un cessez-le-feu total dans les jours qui viennent ». Au sommet de Milan, la rencontre avec son homologue russe, Vladimir Poutine, prévue, ce week-end, en présence des dirigeants européens, dont la chancelière allemande Angela Merkel et les Premiers ministres italien Matteo Renzi et britannique David Cameron, est fondamentalement dédiée à la quête de la paix dans le bassin houiller russophone du Donbass et à la guerre du gaz, qui affecte durement Kiev privé de livraisons depuis juin et risquant de provoquer des perturbations à l'approche de l'hiver des approvisionnements de l'Europe dont le 1/3 de la consommation est d'origine russe. Elle est aussi le prélude au dialogue américano-russe qui connaît sa plus grave crise depuis la fin de la guerre froide. Moscou a lâché du lest pour s'inscrire dans une dynamique de désescalade concrétisée par le retour à leurs bases des 17.600 soldats déployés sur la frontière. Si Poutine se veut rassurant sur la viabilité du cessez-le-feu du 5 septembre, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a menacé, à la veille de sa rencontre, hier, à Paris, avec son homologue Sergueï Lavrov, de nouvelles sanctions la Russie sommée de retirer « immédiatement » ses forces armées de l'est de l'Ukraine. « Nous espérons que cet entretien sera constructif. Les thèmes actuels liés aux relations bilatérales russo-américaines seront abordés, ainsi que les thèmes brûlants de l'actualité internationale, y compris la crise ukrainienne », a déclaré, jeudi dernier, le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch, cité par l'agence russe Ria Novosti. La semaine diplomatique de tous les enjeux pointent les urgences de la paix et corrélativement les exigences du gaz russe.