La transcription de Tamazight continue de faire débat. Il semble qu'entre ceux qui défendent le caractère latin et ceux qui exigent le tifinagh, la bataille ne fait que commencer. Les arguments ne manquent pas. Halouane Hocine, enseignant chercheur à l'Université de Tizi Ouzou, estime qu'il s'agit d'une question de projection dans l'avenir. Il a soutenu que les défenseurs de la transcription en latin ne sont pas contre tifinagh. Ce dernier représente l'authenticité, les racines, les ancêtres, mais aussi et surtout « l'ancrage historique d'un peuple », a-t-il expliqué. Toutefois, il dira qu'il faut s'intéresser à l'aspect pratique de la chose. Peut-on aujourd'hui écrire en tifinagh comme on le fait avec les caractères latins ? Il a répondu qu'il est impossible, d'autant que l'usage du tifinagh fut confiné à des domaines restreints par une frange limitée des lecteurs de tamazight, et qu'il n'est pas suffisamment pratique dans son usage. En revanche, il a affirmé que des travaux colossaux ont été réalisés en caractères latins, depuis le début du XIXe siècle. Pour lui, le système latin est de loin le plus fonctionnel. Et puis, il y a l'aspect historique, a-t-il ajouté. Partant du fait que nous appartenons à la civilisation méditerranéenne où le latin, le grec et le tifinagh se côtoyaient, il est des plus certains que les caractères latins soient un dérivé du tifinagh. Pour Ben Abderrahmane, chercheur en tamazight dans la wilaya de Tamanrasset, il n'est pas question que la langue amazigh soit transcrite en caractères latins. Pour lui, tifinagh est le mieux indiqué et le mieux approprié pour la transcription de cette langue, qui est un héritage ancestral. « On ne peut pas trahir nos ancêtres. La langue amazigh doit être transcrite en tifinagh », a-t-il tranché. Le chercheur ne veut pas entendre parler d'insuffisances pour justifier le recours aux caractères latins. « Il est certain que des insuffisances existent, mais c'est à ce niveau qu'il faut travailler pour améliorer les choses et rattraper le retard », a-t-il insisté. Idem pour Hamza Mohamed, enseignant de tamazight à Tamanrasset. « Demander à un Targui, qui a toujours pratiqué le tifinagh et qui ne connaît peut-être que cette langue en quelle graphie va t-on écrire tamazight est inconcevable. C'est comme demander à un Arabe en quelle graphie va-t-on écrire l'arabe », a-t-il dit sur un ton ferme. Il a ajouté qu'il est hors de question de comparer entre les caractères latins et arabes, auxquels on a donné toutes les chances de réussir depuis des siècles (et cycles), à une graphie qui, d'un point de vue politique et officiel, vient de naître. Face à cette situation, notre interlocuteur s'est dit favorable à la polygraphie, estimant que les caractères latins peuvent être pratiqués dans les régions du Nord. « Le choix sera d'ordre politique ! » Pour Halouane Hocine, les choix sont toujours d'ordre politique. « Nous pouvons débattre de la question, mais la décision finale ne nous a appartient pas », a-t-il indiqué. Mouloud Lounaouci, chercheur et socio-linguiste, a abondé dans le même sens, soutenant que le choix de l'alphabet est politique. Il a fait savoir que lorsque les Chinois ont inventé l'écriture, on a donné à celle-ci le caractère sacré, donc interdite à l'apprentissage pour le commun des mortels. De très nombreux exemples, a-t-il ajouté, peuvent être cités pour montrer que de par le monde, les « conjonctures politiques ou religieuses » ont été à l'origine du système d'écriture. L'exemple le plus parlant est le cas de la Turquie d'Atatürk. Avec Mustapha Kamel Atatürk, le turc est passé aux caractères latins après avoir été écrit en caractères arabes. Le choix a été motivé par la volonté d'Atatürk de s'arrimer à la Méditerranée. Evoquant notre pays, il dira que le choix devrait être des plus simples. « Nous pouvons à la fois conjuguer la symbolique et le pragmatisme en optant naturellement pour tifinagh en tant que marqueur territorial, et les caractères latins pour accrocher nos wagons au monde de la modernité, d'autant que nous n'avons pas le droit moral de remettre en question une expérience de vingt années d'enseignement », a-t-il suggéré. A. H. Une leçon de tamazight Le Haut-Commissariat à l'amazighité a initié en marge de ce colloque une leçon (modèle de tamazight) dans un CEM à Djanet, comme cela a été fait dernièrement dans plusieurs régions du pays, notamment dans un collège d'El Khroub, dans la wilaya de Constantine, en marge du colloque international sur Massinissa.