Fières et élégamment voilées dans leur « haïk m'rama algérois », d'un blanc immaculé, plus d'une cinquantaine de femmes d'Alger et des environs ont participé, hier, à une parade organisée à l'occasion de la célébration du 60e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Dans un accoutrement purement traditionnel, ces femmes et ces filles se sont rassemblées devant l'église du Sacré-Cœur, avant d'entamer une marche jusqu'à la place des Martyrs en passant par la rue Didouche-Mourad, la place Maurice-Audin, la Grande-Poste, la place Emir-Abdelkader. Elles ont marqué une halte près du Milk Bar où avait explosé une bombe déposée par une femme durant la Bataille d'Alger. Elles ont ensuite longé le square Sofia et continué à défiler jusqu'à la place des Martyrs en plaçant par le square Port-Saïd. Ces filles à la beauté resplendissante avaient le visage caché par un petit voile brodé, en forme de triangle, qu'on appelle aâdjar. Il faisait ressortir leurs yeux de biche, légèrement soulignés de khôl (crayon noir). Leur démarche nonchalante a fait tourner bien des têtes le long du parcours. Elles étaient accompagnés d'hommes, vêtus eux aussi de tenues d'antan, notamment le fameux « shangaï ». Casquette de matelot vissée sur la tête, une brindille de menthe derrière l'oreille donnaient un style « belda » à ces « accompagnateurs ». Avec un ciel bleu et ensoleillé, les quartiers de l'Algérois avaient la blancheur de ce vêtement ancestral. Les badauds étaient restés admiratifs, scandant « tahya El Djazaier » (vive l'Algérie), sous les regards ébahis de reporters algériens et étrangers. Les professionnels se pressaient pour la plus belle photo, celle qui fera le plus ressortir l'authenticité et la symbolique du haïk. Un symbole, une identité Les passants se sont mêlés au cortège. Des familles admiraient depuis leurs balcons décorés des couleurs nationales. Les femmes en particulier laissaient échapper des youyous donnant la chaire de poule. Des larmes d'émotion, de joie et de bonheur ont été versées. Submergés de souvenirs, les Algérois ont exprimé leur attachement aux traditions et à leur « algérianité ». Le haïk était un acte de résistance contre la politique coloniale. Il permettait de réaffirmer l'attachement du peuple algérien à son identité, à sa liberté et à sa détermination à résister face à la barbarie de la colonisation. Ce mythique haïk avait une mission héroïque dans le combat libérateur. Des bombes étaient dissimulées dans des couffins en paille que transportaient des femmes en haïk. Ce n'est pas la première fois que les Algériennes s'emparent du haïk, ce vêtement blanc et brodé pour une manifestation politique. Elles l'avaient fait pendant la guerre d'Algérie contre le colonisateur français pour prouver leur courage et leur engagement. Déconsidéré par les vêtements importés d'ailleurs, il s'avère de nouveau un rappel d'une identité qui a ses repères vestimentaires. Le cortège, organisé par Souad, étudiante à l'école des Beaux-Arts, qui est à la tête du groupe Belaredj, algérienne en haïk, a attiré les passionnés du patrimoine algérien. Nombre d'entre eux veulent à tout prix que cet habit soit revalorisé et sauvé de l'oubli. « Le haïk doit retrouver sa valeur et sa place », diront Sarah, une participante, et Ghazia, membre du groupe Belaredj.