Elle n'est pas passée inaperçue la nouvelle, divulguée cette semaine par le Financial Times, de Facebook en train de préparer un nouveau service « Facebook at Work » qui serait destiné, selon le quotidien économique britannique, à « discuter avec des collègues, de se mettre en relation avec des professionnels et de collaborer à des documents ». Pour cela, le réseau social le plus fréquenté sur le cyberespace envisage de séparer ce monde du travail de l'espace à usage privatif pour éviter aux usagers de mêler des contenus privés avec des fichiers et autres données relatives au monde professionnel. Ce nouveau virage est une autre flèche à ajouter à l'arc de Facebook dont les résultats financiers croissants, annoncés par son patron, Mark Zuckerberg, n'ont pas empêché l'action Facebook de dévisser à la Bourse en raison de ses projections orientées vers l'avenir au lieu de se contenter de rétribuer les actionnaires dans l'immédiat. « Nous allons continuer à nous préparer au futur en investissant agressivement, en connectant tout le monde, en comprenant le monde et en construisant la prochaine génération de plateforme informatique », annonce Zuckerberg, cité par www.20minutes.fr, ajoutant que « nous avons un long chemin devant nous ». Les observateurs considèrent d'un bon œil cette nouvelle orientation de Facebook vers le monde de l'entreprise, où il y a, certes, de la marge à engranger, mais, pour le réseau social, le premier succès serait de voir les entreprises débloquer l'accès de leurs employés, le plus souvent interdits d'aller sur Facebook au travail. Cette nouvelle offre de Facebook serait encore à l'essai et plusieurs entreprises auraient été sollicitées pour une mise à l'épreuve de cette nouvelle application dont l'équipe de développeurs serait installée à Londres d'après certains titres de la presse internationale, à l'image du quotidien économique français lesechos.fr qui estime que le « lancement serait proche puisque certaines entreprises auraient déjà pu le tester. Une partie des développeurs travaillant sur ce nouveau produit se situeraient à Londres », avant de souligner que « la société de Mark Zuckerberg entrerait ainsi en concurrence, à la fois avec les acteurs ayant développé des suites bureautiques comme Microsoft avec Office ou Google avec Google Drive, mais aussi avec les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn ou Viadeo. » Connu pour sa stratégie de diversification des offres et services, Facebook semble aller droit à l'ouverture d'un front dans lequel il aura à se confronter à un modèle bien établi, celui de LinkedIn qui, selon leschos.fr, « s'est, notamment, imposé comme un acteur incontournable du marché de l'emploi, en proposant ses solutions de recrutement aux professionnels ». Pour le quotidien économique français, sa capitalisation boursière « a été multipliée par cinq depuis son introduction en Bourse il y a trois ans et demi. Et son chiffre d'affaires devrait dépasser les 2 milliards de dollars cette année, alors que la société continue d'afficher un rythme de croissance de près de 50 %. » Hormis Facebook , le journal voit que le mouvement vers le monde de l'entreprise est appelé à faire bouger toutes les grandes entreprises du net « dans les prochaines années tant il génère de nouvelles opportunités ». Il donne ainsi l'exemple de l'Europe où, explique-t-il, selon « une étude récente de McKinsey, seules 17 % des entreprises européennes ont déjà reçu une commande via Internet (et seulement 14 % en France). » Mais le combat ne sera certainement pas facile avec des concurrents de taille, bien établis sur ce marché et qui visent loin. Ainsi, en est il de LinkedIn « réseau social professionnel en ligne créé en 2003 à Mountain View (Californie) », rapporte l'encyclopédie en ligne wikipedia qui ajoute : « Début 2014, le site revendique plus de 300 millions de membres issus de 170 secteurs d'activités dans plus de 200 pays et territoires et près de 8 millions d'utilisateurs en France. LinkedIn est un service en ligne qui permet de construire et d'agréger son réseau professionnel. Il se définit comme un réseau de connaissances qui facilite le dialogue entre professionnels. Pour ses membres, c'est aussi un outil de gestion de réputation en ligne et de personal branding ». Dédié à l'origine au recrutement, ce réseau social professionnel nourrirait d'autres ambitions, selon le site www.usinenouvelle.com qui voit qu'avec « ses 259 millions de membres qui partagent des informations uniquement liées à leur activité professionnelle, il compte devenir le graphe de l'économie mondiale, pour doper son activité et étendre sa présence sur le web. » Il s'agit d'une vision plus ambitieuse de son rôle dans le monde de l'entreprise et de l'économie, comme le souligne son PDG cité par usinenouvelle.com qui dit : « Nous voulons construire une cartographie numérique de l'économie globale. Identifier les connexions entre les personnes, les emplois, les compétences, les entreprises et les savoirs professionnels. Et ainsi identifier, en temps réel, les tendances qui indiquent des opportunités économiques. » Ce n'est pas rien, mais c'est bel et bien le challenge que se lance LinkedIn qui a toujours misé sur des services payants, comme dans un élan naturel, souligne ce site pour qui « la plupart de ses fondateurs, issus de PayPal, le service de paiement en ligne, savaient de quoi ils parlaient. » La stratégie du réseau professionnel semble en tout cas avoir payé si l'on considère les données publiées par le site usinenouvelle.com, notamment un chiffre d'affaires d'environ 1,5 milliard de dollars en 2013, et une structure de recettes basées sur les solutions d'aide au recrutement (57%) et les outils de marketing pour les entreprises (23%) ; ce qui fait que ses revenus sont essentiellement tirés du B2B, commerce avec les entreprises, d'où, écrit le site, « une faible dépendance à la publicité ». L'offre principale permet, en effet, à une entreprise d'acquérir une « licence recruteur » qui lui donne la possibilité de rechercher les profils souhaités, des profils personnalisés qui peuvent convenir à ses besoins ; la recherche peut se faire « par des mots clés, des critères de localisation, d'expérience, et publier une annonce ou contacter directement un candidat parmi les 259 millions de membres », explique le site qui juge que l'on est, certes, loin des « 1,2 milliard de comptes de Facebook », mais précise les spécificités de LinkedIn qui offre des profils de personnes inscrites sous de vrais noms et, ajoute-t-il, « partagent des informations plus valorisables qu'une vidéo de chaton : leurs CV, compétences, relations de travail, projets... Une valeur décuplée par la mise en relation des membres dans le graphe du réseau. » D'autre part, toujours selon, usinenouvelle.com, les profils disponibles sur LinkedIn sont ceux de « candidats passifs », en d'autres termes des candidats qui sont là pour soigner une image et se donner une visibilité sur l'espace professionnel, sans pour autant être en recherche active d'emploi. Le réseau professionnel réserve une offre particulière aux entreprises qui peuvent y créer leur page, pour bénéficier de publication de contenus originaux, mobiliser leurs employés au service de la promotion de la marque et, bien entendu, activer un espace dédié au recrutement. Mais le point fort de LinkedIn reste, de l'avis de beaucoup de médias et d'observateurs, la mobilisation du big data au service du recrutement, qui lui permet, comme le souligne usinenouvelle.com « de trouver les candidats les plus proches des besoins des entreprises et vice versa, en analysant les données et les relations de son graphe. »Par le biais d'algorithmes conduisant les recherches au sein de sa base de données, dans son graphe et suivant les recommandations faites sur le site, Linkedin ne semble pas loin d'atteindre l'idéal prôné par ses dirigeants d'arriver, comme le mentionne ce même site à « extraire, à partir des données partagées par ses membres, des tendances sur le recrutement et sur l'économie, comme, par exemple, le besoin de certaines compétences au Brésil ou l'apparition d'activités commerciales intenses autour des objets connectés dans le nord de l'Europe. » En 2011, LinkedIn a connu un grand virage stratégique, sous la houlette de son patron Jeff Weiner qui met le cap sur le projet de graphe de l'économie mondiale, et décide, notamment, de consacrer 25% du chiffre d'affaires à la recherche-développement, en se fixant comme objectifs de « ciseler les services aux entreprises, élargir le spectre de LinkedIn au-delà du seul recrutement et mettre l'accent sur le mobile » selon usinennouvelle.com. Weiner met en pratique une nouvelle stratégie managériale qui bouleverse les méthodes du réseau social professionnel et opte pour des intégrations en amont par l'acquisition de quelques jeunes petites start up ; le tout dans un projet de management appelé « Inversion », qualifié par un expert américain cité par le site usinenouvelle, comme une « opération à cœur ouvert sur un marathonien en pleine course ». Et la greffe semble avoir bien pris d'après les différents points de vue d'analystes et de journalistes qui voient que LinkedIn tient bien sa route en dépit de quelques légères critiques, notamment sur la confidentialité des données mises en ligne. Et c'est le cas, relate ce même site, lorsque son application « Intro pour iPhone a récemment soulevé un véritable tollé. Elle affiche des détails du CV lorsqu'un membre échange des e-mails sur son smartphone... » Mais il reste que le chemin de LinkedIn semble bien tracé avec une perspective déjà bien fixée, pour le réseau social qui a su attirer près de 40% des « knowledge workers », ou travailleurs du savoir, et qui ambitionne rien de moins que de s'attaquer aux 3 milliards de travailleurs actifs dans le monde. Un gros morceau qu'il devra attaquer en s'assurant d'avoir tous les moyens de son côté, ou qu'il se résignera, à défaut, à partager avec les nouveaux entrants.