Ce n'est pas tout à fait contre toute attente mais presque que le réseau social professionnel LinkedIn a obtenu des scores financiers supérieurs aux prévisions les plus optimistes. Il a rendu publics, jeudi 1er novembre, des résultats au-dessus des attentes analystes, pour le troisième trimestre, avec un chiffre d'affaires de 194 millions d'euros, en hausse de plus de 80% par rapport à la même période, l'an passé. Les bénéfices de LinkedIn, entreprise créée en 2003, s'élèvent à 19 millions d'euros, contre 5,1 millions d'euros un an plus tôt. LinkedIn a été fondé en décembre 2002 et lancé en mai 2003 par Reid Hoffman et Allen Blue, membres du service de paiement en ligne PayPal, et trois autres entrepreneurs. Son capital est détenu par des fonds d'investissement et par ses fondateurs européens. La société est devenue bénéficiaire en mars 2006 avec un modèle économique reposant sur trois sources de revenus : la publicité, les abonnements et les services de recrutement. LinkedIn est un service en ligne qui permet de construire et d'agréger son réseau professionnel. Il se définit comme un réseau de connaissances qui facilite le dialogue entre professionnels. Pour ses membres, c'est aussi un outil de gestion de réputation en ligne et de personal branding. L'environnement concurrentiel est constitué des réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace qui ne sont pas considérés comme des concurrents directs, mais comme des réseaux complémentaires. Selon Reid Hoffman : « MySpace, c'est le bar, Facebook, c'est le barbecue au fond du jardin, et LinkedIn, c'est le bureau. » Comme beaucoup d'autres géants technologiques, LinkedIn a élu domicile au cœur de la Silicon Valley, à Mountain View. Résolument tourné vers un usage professionnel, il propose à ses utilisateurs de retrouver sur Internet ce qui fait le succès de la Silicon Valley ; du relationnel et de la ressource en expertise souvent en externe. Pour l'entreprise LinkedIn, la proximité des plus gros acteurs d'Internet et des technologies doit aussi rappeler sa filiation et son ancrage technologique. Une particularité sur laquelle repose son modèle économique. « Ce que je souhaitais, c'est initier le changement dans le monde, raconte aujourd'hui Reid Hoffman, le cofondateur et président exécutif de LinkedIn. A l'été 2006, j'ai réalisé que le modèle économique était défini et stable. Etant profitable, LinkedIn était viable et pouvait vivre pour toujours. » Les 175 millions de professionnels LinkedIn à travers le monde sont une vraie mine d'or pour les marketeurs. Selon le réseau social, ses abonnées forment une population « parmi les plus instruites, les plus riches et les plus influentes sur le web ». Mais, pour les nouveaux venus du marketing sur LinkedIn, peu familiers avec son portefeuille de fonctionnalités, il peut être difficile, voire impossible, de tirer partie des opportunités offertes par ce public. Les pages Entreprises, que LinkedIn a récemment mis à jour, sont la plaque tournante des professionnels, avec sa section Carrières et ses offres d'emploi, sa rubrique Produits où l'on trouve des informations sur les nouveautés et les produits à venir, la rubrique Informations sur les Employés ou encore la section Vue d'ensemble qui contient les dernières informations mises en ligne par l'entreprise. Selon Alison Engel, directrice marketing au niveau mondial de LinkedIn pour les solutions de marché, la section des mises à jour publiées par l'entreprise est une des rubriques les plus importantes pour les praticiens du marketing. « C'est à ce moment-là que vous établissez le contact avec votre public », a-t-elle expliqué. « Les messages que vous publiez apparaissent sur la page de votre entreprise et dans les flux de nouvelles. Ils sont au premier plan de l'expérience utilisateur qu'aura l'abonné au réseau social. Ils livrent aux professionnels des instanés sur l'entreprise tout au long de la journée. » Contrairement à Facebook, LinkedIn a vécu avec euphorie son introduction en bourse en 2011. Tout le monde semblait alors vouloir acquérir une part de cette introduction en Bourse, la plus importante pour une société américaine du web depuis Google, en 2004. LinkedIn, né en 2003, comptait environ 100 millions d'utilisateurs. Ce réseau social qui a la particularité de s'adresser en priorité aux professionnels tire près de la moitié de ses revenus du placement d'offres d'emploi. Une particularité par rapport au géant Facebook dont l'intégralité - ou presque - de l'argent provient de la publicité. Le modèle économique de LinkedIn serait donc séduisant pour les investisseurs qui parient sur la reprise économique, et sur son cortège de petites annonces : de plus en plus de monde va chercher à recruter sur le site. La performance boursière de LinkedIn a été qualifiée de « surprenante » par le New York Times ou de « Tulipomanie » dans le Wall Street Journal (en référence à l'explosion du prix des tulipes aux Pays-Bas au XVIIe siècle qui a été suivie par un effondrement spectaculaire de la valeur de ces fleurs). Le quotidien économique américain rappelait en effet que LinkedIn n'avait fait que 15 millions de dollars de profits l'année dernière. Depuis, beaucoup de chemin a été parcouru et de l'avis des analystes, « LinkedIn peut se montrer optimiste pour les exercices à venir ». D'abord parce qu'il continue d'attirer des membres. Le réseau social compte aujourd'hui 175 millions d'utilisateurs, contre 161 millions au premier trimestre 2012. Une audience forcément incomparable avec celle de Facebook, qui compte lui 955 millions d'utilisateurs. Mais LinkedIn est un réseau professionnel, qui propose des contenus susceptibles d'intéresser davantage les investisseurs, parce qu'ils génèrent des revenus « plus sérieux », comme le fait remarquer le site Seeking Alpha. Ce qui n'est pas vraiment le cas pour Facebook, à l'audience beaucoup plus disparate. Toute une partie de ses membres ne lui rapporte d'ailleurs pas un seul centime. Les dernières révélations viennent confirmer cette tendance. Facebook compterait ainsi près de 9% de faux profils. Et selon un petit annonceur, qui a cessé d'y acheter des espaces, près de 80% des clics publicitaires seraient en réalité l'œuvre de robots. L'une des principales différences entre les deux réseaux sociaux concerne leur modèle économique. LinkedIn est moins dépendant de la publicité, contrairement à Facebook. La société de Mark Zuckerberg en tire près de 85% de ses revenus, quand elle ne représente que 28% des revenus de LinkedIn. Cela s'explique par le fait que le réseau professionnel dispose notamment d'un modèle premium. Il fait payer ses membres pour leur donner accès à certaines fonctionnalités. Revenir sur la gratuité paraît aujourd'hui impensable pour Facebook. Aujourd'hui, 23% des visites sur LinkedIn sont réalisées à partir d'une application mobile. Soit plus du double par rapport à l'année passée. Mieux, 15% des inscriptions sont réalisées sur mobile. La tendance est donc à la mobilité. Mais Jeff Weiner, PDG de LinkedIn, ne s'inquiète pas outre-mesure. Car il compte sur le développement en cours de services mobiles payants, affirme le site Boomberg : « Quand on parle de la monétisation du marché mobile, cela dépasse la publicité », confirme-t-il. L'assurance de LinkedIn sur son service mobile aurait de quoi faire pâlir Facebook, qui éprouve les plus grandes difficultés à trouver une solution durable pour rentabiliser ce marché. Au moment de son introduction en Bourse, il ne tirait pas le moindre centime de ses applications. Il a depuis mis en place des « statuts personnalisés », qui lui rapporteraient 500.000 dollars par jour sur mobile. Ce qui est sans doute loin d'être suffisant. Compte tenu d'un potentiel limité de croissance du nombre d'abonnés, le réseau professionnel doit trouver « une solution viable pour accroître la monétisation par utilisateur », faute de quoi, selon lui, « une correction boursière est inévitable ». Une correction d'autant possible que des avertissements ont déjà été émis sur un possible retour de la bulle internet, y compris à l'occasion de l'entrée en Bourse de LinkedIn. « Le spectre d'une nouvelle bulle est plus présent que jamais », notait alors The Economist dans un billet de blog. L'évolution de LinkedIn sur le second marché – où s'échangent des parts d'entreprises avant leur entrée en Bourse – illustre bien cette inflation des prix : il y a encore un an, il était possible de se procurer une participation dans le réseau social professionnel pour moins de 20 dollars. Au vu du succès de cette première introduction en Bourse, la valeur d'entreprises similaires sur le second marché risque d'exploser, même si ces sociétés ne publient généralement aucune information sur leur situation financière avant leur entrée en Bourse.