Dans deux semaines, le second tour de la présidentielle tunisienne opposera le président sortant, dont les recours en appels contre les résultats du premier tour ont été rejetés par le tribunal administratif de Tunis, au chef de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi. Le lancement de la campagne électorale, qui doit s'ouvrir aujourd'hui, promet une compétition musclée entre le « candidat des islamistes », incarné par Moncef Marzouki, selon ses détracteurs, et son puissant rival, qualifié à son tour de vestige de « l'ancien régime ». Mais à l'orée d'une transition, qualifiée de modèle de réussite dans le « printemps arabe » chaotique, l'émergence de la nouvelle Tunisie est à la fois l'expression de l'échec de la Troïka à dominante islamiste, nettement exprimée par le recul d'Ennahda en déconfiture, et la montée en puissance de Nidaa Tounes, victorieuse des législatives et du 1er tour de de la présidentielle remporté avec 39,46% des voix. Le scrutin du 21 décembre s'avère décisif entre le président sortant, battu à plate couture aux législatives (4 sièges contre 29 précédemment) et rêvant de réunir l'électorat islamiste et de gauche, et le favori en puissance travaillant, dans un jeu d'alliances pragmatique, à la naissance d'une « une nouvelle Troïka » aux couleurs des vainqueurs de la dernière consultation : Nidaa Tounes (39%), Ennahda (32%) et l'Union Patriotique Libre (7%). La composante de la nouvelle assemblée en est l'illustration parfaite. Autour du candidat unique de Nidaa Tounes, élu à la présidence (176 voix sur 214), le poste des deux vice-présidences a été donc confié au candidat islamiste, Abdelfattah Mourou, préféré à la veuve du député assassiné Mohamed Brahmi, et à la représentante de l'Union patriotique libre, Fawzi Ben Fodha (150 voix). S'agit-il d'un compromis new look annonciateur d'une recomposition du paysage politique ? Les tranchées ne sont pas pour autant clairement identifiées, autant pour Ennahda, affirmant qu'il n'y a « rien de nouveau », que pour Nidaa Tounes, pas encore prête à une « quelconque transaction ou alliance ». Entre « la position définitive » d'Ennahda, qui sera proclamée « dans les prochains jours » et la valse-hésitation du Front populaire de Hamma Hammami, arrivé en 3e position dans les législatives et partagé en partisan et en opposant de Béji Caïd Essebsi, l'issue du second tour scellera assurément le sort d'une alternance pacifique, pour l'enracinement de la démocratie, le pluralisme et l'Etat de droit dans une Tunisie confrontée aux défis sécuritaires et économiques déterminants.