La fête du gland ? Il fallait y penser, l'association Assirem Gouraya l'a fait, elle qui ne manque aucune occasion pour mettre en valeur la richesse du terroir béjaoui et qui ne lésine sur aucun moyen pour sa protection et pour en faire la promotion auprès du grand public, avec l'espoir que des initiatives éclosent pour exploiter ces opportunités dévoilées ou que celles déjà prises puissent y puiser une seconde force pour persévérer dans leurs efforts ou, mieux, une option pour prendre de l'essor. C'est ainsi qu'avec la précieuse collaboration de la Conservation des forêts, de l'association socioculturelle du village Ibarrissen, ce fruit sauvage, bien connu des Algériens mais relégué aux oubliettes car il constituait une relique des jours de sombre misère, retrouve un peu de considération en attendant, peut-être, d'être réhabilité et de devenir un atout contribuant au développement des localités rurales. C'est ainsi que sous le thème « Mise en valeur d'un arbre endémique de la Méditerranée et régénération de la forêt », le Théâtre régional de Bejaia (TRB) a accueilli dans ses halls, le week-end dernier, la fête du gland à travers une exposition dédiée à la sensibilisation du citoyen quant à la nécessité de protéger la forêt et l'environnement de manière générale, la participation d'agriculteurs qui proposaient des produits du terroir, parmi lesquels le fameux gland, mais aussi les aliments fait à base de ce fruit, comme la farine ou la galette, et réservé, bien évidemment, des espaces pédagogiques à travers un atelier sur la forêts de chêne, un concours de dessin pour les enfants, et surtout un concours des meilleurs fruits de gland des régions de Bejaia. Le public a si bien adhéré à cette initiative que l'espace du TRB s'est révélé bien exigu, preuve s'il en est, que le gland reste bien ancré dans la mémoire collective. L'arbre qui produit ce fruit, le chêne, est une espèce typiquement méditerranéenne. Il se décline en trois espèces, le chêne-liège, le chêne zen et le chêne vert, et occupe de larges superficies dans la wilaya de Bejaia, soit 47 641 ha. Riche en amidon, ce fruit est consommé aussi bien par certains animaux que les humains. Sous la colonisation, ce fruit a été une alternative alimentaire les jours de disette et, durant la guerre de Libération, il a constitué une nourriture providentielle pour les moudjahidine dans les montagnes. Aujourd'hui, il est encore consommé comme une gourmandise. Sur un autre plan, les cupules de glands peuvent fournir d'excellentes teintures naturelles. Autre richesse fournie par le chêne, le liège est un produit bien connu pour ses qualités en tant qu'isolant ou sous la forme de bouchons. Cette fête a donc pour objectif de mettre en valeur le chêne et permettre sa valorisation patrimoniale, historique, touristique et économique. Ibarissen mérite le détour Les forêts de chênes sont importantes pour la préservation de la biodiversité. Encore faut-il préserver les premières. Le chêne-liège ne figurait même pas comme essence de reboisement dans les différents plans mis en œuvre par les pouvoirs publics, alors que les différentes tentatives engagées à son profit donnent des résultats très mitigés pour ne pas dire baignent dans l'échec, alors même que ces forêts sont des plus menacées par les incendies et les déboisements. Consciente de ce constat, explique son président Rabhi Amar, Assirem Gouraya se propose d'associer le grand public autour de cette « fête du gland » pour mobiliser et sensibiliser citoyens et autorités pour préserver et valoriser cette richesse sylvicole. Dans ce cadre, elle a organisé, le lendemain, une action de reboisement qui a permis de mettre en terre un millier d'arbustes sur six kilomètres. Des arbres qui baliseront le sentier de randonnée du village touristique Ibarrissen. Une fois cette tâche accomplie, la centaine de randonneurs présents, jeunes et moins jeunes, se sont donné à cœur joie, malgré un froid glacial qu'ils essayaient de tromper à coups de derbouka et de chants entraînants, de découvrir les paysages et particularités touristiques de cette localité excentrée de la commune d'El Kseur, limitrophe de Toudja. Assurément, Ibarissen mérite le détour et, comme le décrit Assirem Gouraya, il possède toutes les caractéristiques d'un village devant bénéficier d'un projet de développement en éco-tourisme de montagne : vieux villages à restaurer, ruines romaines, un village troglodyte et des gravures rupestres attestant de l'occupation millénaire de ce site, des grottes ayant servi de refuges aux moudjahidine, des mines où les habitants extrayaient du fer et du cuivre, un patrimoine forestier important, une diversité florale et faunistique remarquable, autant de facettes qui peuvent éveiller l'intérêt aussi bien du simple touriste que des scientifiques. Et puis, il ne faut pas l'oublier, de superbes montagnes pour tous les fans de randonnées pédestres et d'escalades.