Il était une fois Yennayer... Il était une autre fois Sheshnaq... Deux mille six cents ans plus tard, c'est la résurrection pour ce pharaon dont bien peu se doutait de son existence et qu'il était berbère en sus. Une légende est née. Le calendrier amazigh aussi et Yennayer pouvait s'y adosser sans crainte. Mais chacun sait que Yennayer ne doit rien à ce guerrier de l'Egypte ancienne et qu'il n'est que la célébration de la nouvelle année agraire. Fête païenne, Yennayer, il faut le souligner, a survécu, certes, à l'état folklorique, à la domination des cultures qui se sont relayées dans le nord de l'Afrique. Si dans les campagnes, ils restaient encore des légendes que l'on se raconte, des rites que l'on perpétue, en ville, les citadins fêtaient Yennayer sans même savoir à quoi correspondait cette occasion, à part le fait de préparer un repas spécial et d'acheter des assortiments de fruits secs et confiseries que les commerçants n'oubliaient jamais de présenter sur leurs étals à cette occasion. C'est en fait grâce au mouvement associatif portant la revendication identitaire que Yennayer est médiatisé, élevé au rang de fête non d'un village ou d'une région, mais de tout le pays. Subtilement, même les régions non berbérophones se remémore cette fête, la ravivent, la revivent. Désormais personne ne renie Yennayer, mieux, trouve fierté à la célébrer. Yennayer n'est ni une fête religieuse ni une date historique. Le 1er janvier également. Alors pourquoi pas Yennayer ? Fête nationale oui, mais si c'est pour en faire une simple journée fériée de plus dans l'année, c'est plus encourager le farniente, déjà suffisamment bien installé pour ne pas en rajouter une couche, que répondre positivement à une revendication identitaire. Le débat relève d'abord du culturel. En effet, peut-on s'interroger, combien de film, de romans, de pièces théâtrales, d'œuvres picturales ou autres, évoquent une scène de Yennayer ? Comparons maintenant avec Halloween, la dernière des fêtes païennes à conquérir l'Occident et, accessoirement, en passe d'envahir aussi nos mœurs, grâce, justement, à ce qui manque à Yennayer, c'est-à-dire cette force de frappe culturelle, couplée à une force de vente toute aussi remarquable, qui exercent une attraction telle que même des sociétés totalement étrangères à de telles traditions, comme pour le cas de la Saint Valentin, y sont inexorablement aspirées. Non, si Yennayer doit être élevée à la dimension d'une fête nationale ce serait plutôt parce que l'Algérie a bien besoin d'une fête qui célèbre pour une fois l'opulence, et qui l'appelle de ses vœux. D'autant que ce souhait d'abondance n'est pas l'expression du sentiment égoïste d'une caste de riches. Non, c'est une abondance partagée par tous, car il est inconvenant que le jour de Yennayer quelqu'un reste sur sa faim. N'est-ce pas là une belle leçon d'équité sociale et de solidarité envers les autres, tous les autres, même les absents ? Yennayer c'est aussi la préparation au renouveau, à la renaissance, avec cette cérémonie de grand nettoyage de la maison et du rééquipement du foyer. Yennayer, c'est d'abord la fête des fellahs et célèbre l'amour de la terre nourricière, c'est-à-dire de la patrie. Et puis, les enfants sont heureux.