Yennayer, le jour de l'an berbère sera célébré ce lundi 12 janvier dans la plupart des régions de la Numidie qui ont conservé encore cette fête antique qui marque la séparation entre deux cycles solaires, passage des journées courtes, " noires " aux journées longues, " blanches ".Fêté dans la quasi totalité des régions du Nord de l'Afrique, Yennayer est selon certains chercheurs également appelé "Ass N'Farôun " (Le jour du Pharaon). Selon la légende, " les Chaouis fêtaient ce jour-l,à la mort du Pharaon englouti dans la mer ". Cette évocation populaire se nourrirait de la victoire des Libyens sur l'Egypte et de l'installation du Roi Chechnaq 1er au sommet de la 22e dynastie pharaonique en 950 av. JC. Cette fête antique est datée selon un calendrier agraire qu'utilisaient les paysans berbères de l'Antiquité. Il correspond au premier jour du mois de janvier du Calendrier Julien. C'est sur la proposition de l'académie berbère de créer vers 1968, une "ère berbère " tout comme existe une ère chrétienne et une ère islamique, qu'on a fixé comme an zéro du calendrier berbère les premières manifestations connues de la civilisation berbère, au temps de l'Egypte ancienne. La période -phare de cette date se situait au moment où le roi libyen Chechnaq Ier (Cacnaq) fondateur de la 22e dynastie égyptienne monta sur le trône et devînt pharaon en Egypte. La veille de yennayer, les femmes se chargent de recouvrir les murs à la chaux " aruccu s tumlilt " et changent le trépied du feu (lkanun). Dans l'Aurès ce rituel se fait deux ou trois jours avant yennayer et porte le nom de " bu ini " (jour du trépied). Le nettoyage intensif se termine par un grand coup " d'emezzir " (balai de bruyère). Afin d'assurer l'abondance de la nouvelle année, on verse des céréales entre les jarres en terre (ikufan). Cette notion d'abondance souhaitée et préparée pour conjurer le sort, se retrouve dans le repas de yennayar dont le mets principal reste le couscous de blé. Le recours à la semoule d'orge est, ce jour-là banni, n'est-elle pas noire et ne constitue-t-elle pas en temps ordinaire le repas du pauvre ? Le couscous est préparé avec une sauce à base de légumes secs, selon les régions, on mélange deux à sept légumes (pois cassés, lentilles, fèves concassées " Abisar", haricots blancs, cornilles ou doliques à oeil noir, pois chiches...) et l'incontournable volaille. D'une contrée à une autre on propose des explications différentes au choix de la volaille. Certains diront, par son chant matinal, le coq annonce la naissance de la lumière (le lever du jour), d'autres expliqueront, par ses ufs, la poule incarne la fécondité donc l'abondance. Les croyances populaires méditerranéennes nous apportent d'autres éclaircissements sur cette préférence vouée à la volaille. Par exemple les Grecs et les Romains auraient adopté le coq comme oiseau protecteur, ce qui s'apparenterait à l'usage d' "asfel " (offrande) dans l'ensemble de l'Afrique du Nord. Dans la préparation des autres mets qui accompagnent le couscous, les femmes en appellent toujours à la prospérité et à la profusion, aussi composent-elles " uftiyen ", un mélange de céréales entières, passées à la vapeur ou grillées et huilées, servies aux enfants le matin du 12 janvier (tasebiht n yennayer) ou simplement jetées sur les arbres des jardins dans l'attente d'une bonne récolte. Selon les moyens dont disposent les familles, " uftiyen " est complété par un mélange de fruits secs disposés généreusement dans un plat en bois ou en terre, mis sans restriction à la disposition des enfants. Dans la même journée de " amenzu n yennayer " (le premier jour de l'an), sont proposées plusieurs denrées à base de pâte qui lève ou qui s'étale, " lesfen? ou " lemsemmen ". Une pâte qui gonfle ou qui s'étend facilement, annonce forcément une année riche et généreuse. Yennayer est la seule fête non musulmane commune à tous les peuples d'Afrique du Nord. Le repas " imensi n yennayer ", ( dîner de yennayer), ce qui correspond un peu au dîner du réveillon sans la bûche bien sûr, est servi dans le respect du nombre des membres de la famille élargie, on rajoute le couvert de l'absent, éventuellement " iminig " (le voyageur), la fille mariée et surtout du gardien de la demeure. La tradition exige que l'on ne vide pas les plats, ce qui signifie que l'on ne doit pas avoir faim.. Encore tenace, le jour de l'an berbère, sera en revanche célébré dans quelques foyers algériens sans aucune distinction linguistique, puisque cette fête a concerné durant des siècles la population numide, tout entière. Un Arabe des Hauts-Plateaux, de Tunis ou de Marrakech,, pourrait donc fêter Yennayer, tout comme le Kabyle de Sétif. Rebouh H.