Sur les pas de ses prédécesseurs, Kateb Yacine, Tahar Ouettar, Rachid Boudjedra... qu'il cite fièrement, l'universitaire et homme de lettres, Amine Zaoui, revendique et plaide pour une « langue algérienne » dans la création littéraire, qu'il façonne tantôt en recourant à la langue arabe tantôt au français. L'ancien directeur de la Bibliothèque nationale s'est ardemment défendu en arborant une écriture bilingue qui puise son essence dans un imaginaire essentiellement algérien, lequel se distinguerait, selon lui, par ses sonorités et ses expressions propres. C'est là, note-t-il, une manière d'écrire adoptée par les romanciers maghrébins et même africains dont la richesse du fond socio-culturel offre à la langue d'Al-Moutanabbi et à celle de Molière de nouvelles perspectives permettant une création forcément originale. « Dans mes écrits, j'opte pour un arabe différent de celui utilisé au Moyen-Orient ou dans le monde arabe de façon générale puisqu'il s'appuie sur notre imagination algérienne qui véhicule ses particularités amazighe, méditerranéenne et africaine » soutient l'auteur du Festin de Mensonges, estimant que le choix d'un langage littéraire et la façon de mettre celle-ci (notre imagination, ndlr) en œuvre repose, notamment, sur une relation intime et sociale avec le contexte direct. La dimension linguistique de l'écrivain n'est pas la seule à susciter une levée de boucliers des critiques qui lui reprochent, non sans âpreté, une littérature qui fait dans « l'atteinte au sacré ». Accusé de provocations par les milieux conservateurs, il s'en défend avec force : « Tout homme de lettres se doit de faire dans la provocation à condition que celle-ci soit mue par un souci culturel, voire pédagogique » rétorque-t-il, précisant que le roman a pour mission essentielle et impérative d'apporter quelque chose de nouveau et d'inédit y compris en allant creuser dans les sujets sensibles, tels que la politique, la femme, le sexe. Elle a également pour objectif, poursuit le conférencier, de briser la fausse sérénité sociale et intellectuelle en se posant la question suivante : « Pourquoi s'attaque-t-on au sacré ? ». Et l'auteur de résumer : « Mes romans posent des problématiques. Ma littérature dérange ». Pour l'invité de l'association El-Kalima, la culture du corps qu'il affectionne particulièrement n'est pas un élément nouveau dans l'histoire du monde arabo-musulman. Il cite, à ce propos, de nombreux historiens, philosophes et ... faqihs, tels Ibn Taymia, Abou Hamed El-Ghazali, Ibn Hicham, le biographe du Prophète (QSSSL) qui ont eu à traiter de cette question sensible mais chacun en obéissant à son domaine. Dans ce sillage, M. Zaoui cite l'affaire de Charlie Hebdo « un journal simplet et sans grande envergure ». Il regrette la réaction enflammée des masses musulmanes. « Elles auraient dû, dit-il, réagir par le silence et l'indifférence en guise d'une réponse civilisée à une basse provocation ». L'auteur du Dernier Juif de Tamentit en a profité pour esquisser quelques détails sur ses deux derniers romans, El Malika et Miel de Sieste. Le premier évoque l'impact de la présence des Chinois en Algérie, non pas en tant que travailleurs ou investisseurs, mais à travers leur implication dans la société algérienne. Une histoire qu'il matérialise dans le mariage d'un ingénieur chinois avec une Algérienne divorcée d'un premier mariage raté. Lasse du machisme excessif de son mari (et des hommes algériens en général) Sekkoura découvre en cet Asiatique une morale et des vertus qui lui sauveraient la vie. Le second roman, écrit en français, traite, lui, de la famille traditionnelle en déclin.