Photos : Slimene S.A. Le monument de la chanson algérienne, Akli Yahiatène qui embellit notre patrimoine musical dans les règles de l'art depuis plus d'un demi-siècle est, pour notre bonheur, au meilleur de sa forme, du haut de ses soixante dix sept ans, pas une ride, pas un cheveu blanc. Il nous offre un beau cadeau ce mois de Ramadhan. Cette voix suave qui a bercé plusieurs générations réalise une extraordinaire prouesse artistique. Il va se produire sur scène, interprétant le meilleur de son répertoire de légende, accompagné par plus de cinquante musiciens classiques de l'Orchestre symphonique national, dirigé par un illustre maestro, Rachid Saouli et rehaussé par une impressionnante chorale. Lors de la préparation de ce super concert, Akli Yahiathène, modeste, humble, d'une débordante générosité, avec un cœur rempli d'humanisme et un sourire des plus fraternels, a bien voulu répondre à ces quelques questions pour les lecteurs d'Horizons. Akli Yahiatene était en présence de son fidèle et inséparable ami, son propre chef d'orchestre, Ahcène Nath Zaîm qui est un musicien polyvalent et aussi compositeur et chanteur. Akli Yahiathène était aussi en companie du directeur de l'Orcheste symphonique national, M. Abdelkader Bouazzara qui lui a ouvert toutes les portes pour mettre en valeur ses belles performances artistiques. Akli Yahiathène, nous avons appris que vous étiez, il y a juste quelques jours en ce début du mois de Ramadha, la vedette de votre village Ath Mendès. C'était en quelle occasion ? Permettez-moi de vous donner quelques détails sur mon village natal. Il est situé à quelques kilomètres de Boghni sur les hauteurs, à trois kilomètres plus exactement. Pour aller à la station de Talaguilef qui se trouve quinze kilomètres plus haut, il faut faire un passage obligé par Ath Mendès. Chez nous la végétation est reine en toute saison et le climat paradisiaque. C'est vrai, je suis devenu le héros de mon village juste le temps de distribuer des distinctions dans un tournoi de football, faisant gagner une équipe qui doit représenter Ath Mendès à l'extérieur. J'ai été le héros parce j'ai donné des distinctions même aux perdants et je n'ai oublié ni l'arbitre, ni les dirigeants. La soirée du ramadhan a été fêtée par un concert. J'ai bien sûr chanté, accompagné par des jeunes musiciens de mon village. L'ambiance a été rehaussée par l'afflux de gens venus des localités environnantes. Vous êtes la fierté de votre village natal. N'êtes-vous pas ainsi un héros permanent ? Vous savez, il y a toujours des personnes jalouses. Et puis, c'est bien ainsi ! On ne peut être aimé par tout le monde. Ce serait trop idéalisé et en même temps déshumanisé s'il n'y avait que le côté positif seul. Vous êtes un artiste accompli. Vous écrivez les texte de vos chansons. Vous en composez les musiques et vous êtes votre propre interprète. Quel est le secret de votre art ? C'est vrai, le suis auteur, compositeur et interprète. Je ne chante d'ailleurs que mes chansons. Je voudrais établir une comparaison avec une certaine génération d'auteurs et de compositeurs d'aujourd'hui. Ils n'écrivent quelques mots que pour faire danser. Le vide est déconcertant. Un critique averti a fait l'aveu suivant en déclarant, aujourd'hui la musique est composée pour le dos, hier, elle a été conçue pour la tête. C'est ce deuxième état d'esprit qui me caractérise. Il faut bien se pénétrer de l'idée que l'art de la composition et de l'écriture constitue un domaine extrêmement rigoureux. Il est le produit d'un grand effort de recherche et de création, un effort annobli par une inspiration saine et sincère, émanant du cœur et de l'esprit. C'est cela la chanson qui dure, se fixant dans le temps et non pas un style de mode. Parlez-nous de votre inspiration. Vos chansons contiennent-elles des messages ? Mon inspiration prend ses sources dans mon âme de poète. Elle est alimentée par les évènements de la vie, ses joies, son bonheur, ses cris du cœur, ses douleurs, ses tristesses, ses émotions, ses sensations, ses sacrifices, ses engagements, la foi en la religion. Sous ces aspects, la vie est tellement riche et dense et les sources sont intarissables. Sans être moralisateur, j'essaie toujours dans mes chansons de tirer une leçon de sagesse et aussi de réalisme. A titre d'exemple, j'ai beaucoup écrit sur l'exil. Je lance des appels à ceux qui partent pour qu'ils n'oublient jamais leur terre natale et surtout, qu'ils continuent à garder des liens permanents et soutenir les êtres qui leur sont chers, surtout quand ces proches sont dans le besoin. Vous écrivez et vous composez dans les deux langues, arabe et amazighe… J'écris mes textes dans une langue simple, celle du quotidien, du populaire, comprise par tout le monde que représente la composante de la société algérienne. Je possède un vaste répertoire dans les deux langues. Tenez, j'ai un grand nombre de chansons écrites en arabe que j'avais, bien avant l'existence du CD, enregistrées dans des disques quarante cinq et trente trois tours. Les maisons de disques s'appelaient Pathé Marconi ou Triomphe Music. Dans mes récitals, je voudrais tellement les reprendre. Cependant le public ne me laisse pas ce choix, car il me demande toujours d'interpréter les titres connus, ce qui prend tout le temps que je passe sur scène. Mais je garde en projet l'idée de graver ces anciennes chansons sur CD. Vos chansons sont souvent reprises par d'autres artistes. Quel est votre sentiment ? Cette question a deux réponses, l'une négative, l'autre positive. Concernant la partie négative, je vous dirai que j'étais désagréablement surpris d'entendre mon titre phare, Ya El Minfi, repris par le chanteur libanais Al Zalzali au cours de sa tournée en Algérie. Cet artiste que je ne connais pas n'a jamais pris contact avec moi et je déplore cet état de fait. D'un autre côté, je déplore aussi que notre télévision nationale ne diffuse pas mes œuvres. Ses caméras couvrent mes galas mais évitent mes chansons. Sur le plan positif maintenant. L'émission 1, 2, 3, Soleil de Khaled a repris des œuvres de mon répertoire et qui furent chantées par lui-même ainsi que par Faudel et Rachid Taha. J'ai bénéficié à cette occasion de toute la courtoisie et de la sollicitude de ce roi du rai. Il en fut de même pour une agence espagnole de spectacles. Elle a repris la musique de mon titre, Aya Kham et je fus comblé de bienfaits et de respects. Akli Yahiatène n'est pas seulement apprécié chez nous mais également en dehors de nos frontières. Parlez-nous de vos concerts à l'étranger ? En Algérie, je suis souvent sollicité. Je viens d'effectuer tout récemment une belle tournée dans plusieurs villes dans le cadre du deuxième festival culturel panafricain. Le Ramadhan précédent j'avais donné neuf récitals dans une magnifique tournée à l'Ouest du pays qui m'a mené de Médéa à Oran. J'ai reçu partout un accueil enthousiaste. Quant à l'étranger, les organisateurs de spectacles en France font régulièrement appel à moi. J'ai d'ailleurs mes propres musiciens dans ce pays. Je me suis produit en Amérique du Nord avec trois concerts, un à Montréal au Canada et deux aux Etats Unis dont New York. Vous nous faites un beau cadeau ce Ramadhan en vous produisant, demain soir, 9 septembre à la salle El Mouggar et le 10 septembre à Tizi Ouzou, avec les cinquante musiciens de l'Orchestre symphonique national et une imposante chorale. Quel est votre sentiment ? Je ne vous cache pas, j'en ai le frisson. C'est la vraie musique avec un orchestre de classe. C'est ainsi que je conçois cet art avec sa rigueur, sa discipline, son professionnalisme, ses hautes valeurs et compétences artistiques. Nous effectuons de longues et minutieuses répétitions ensemble pour donner un concert de haute qualité. Vous avez eu dans votre vie un très brillant parcours artistique. Quel est le souvenir marquant que vous en gardez ? Je ne vous dirai qu'un seul mot, le meilleur souvenir que je garde de ma vie de chanteur, c'est ma jeunesse ! K. C.