La chute des prix du pétrole a mis l'Opep dans une telle posture qu'on parle aujourd'hui de l'après-Opep. Le doigt est pointé sur l'Arabie Saoudite qui a annoncé une hausse de sa production pétrolière. C'est autour de cela notamment dont il a été question, hier, au siège de Sonatrach lors de la conférence de Pierre Terzian, PDG de Pétrostratgie, une entreprise versée dans le conseil et la presse pétrolière. De prime abord, le conférencier infirme l'assertion selon laquelle nous vivons une période de l'après-pétrole, rappelant que le pétrole est disponible en abondance. Selon lui, il faut parler plutôt de l'après-Opep. « Aujourd'hui, l'Opep traverse la plus mauvaise période de son existence. Au sein même de cette structure, il y a des contradictions. D'un côté, l'Arabie Saoudite qui ne se soucie que de sa situation géopolitique et, de l'autre, les autres membres qui, eux, se préoccupent de leurs revenus pétroliers », indique-t-il, signalant que Riyad a les moyens de vivre très longtemps sans les revenus de ses exportations pétrolières. Et pour cause, « elle dispose de 800 milliards de dollars cash, sans parler de ses actifs d'investissement ». Aussi, le royaume wahhabite a de quoi subsister même si le prix du pétrole est à 20 dollars le baril. Ce qui prouve, selon lui, que ce pays cherche à défendre sa position et non ses revenus. Il a rappelé dans ce contexte, ses premières tentatives, dans les années 70 et 80, pour faire baisser les prix. « Comme aujourd'hui, elle avait affirmé que c'était pour défendre sa part de marché mais aujourd'hui elle déclare vouloir réduire aussi les productions à marges bénéficiaires très élevés. Ses objectifs officiels ne sont pas clairs », constate-t-il. Quand l'Amérique éternue, le reste du monde s'enrhume L'expert cite aussi les banques américaines qui jouent un rôle dans la baisse des prix du pétrole. Leur puissance leur permet, selon lui, d'agir sur le marché de l'énergie. « Le président américain, George Bush père, avait déclaré, à son époque, que la hausse des prix du pétrole servait l'économie de son pays. Alors, ces banques ont tout fait pour l'augmenter. L'année dernière, Obama a déclaré que la baisse des prix du pétrole servait l'économie des USA et les prix ont baissé par la suite. Obama avait affirmé aussi que la chute des prix affecterait surtout la Russie qui fait l'objet de sanctions et d'une dévaluation de sa monnaie. Je ne dis pas que tout a été planifié, mais ce sont là des constats », fait-il observer. Il a fait remarquer que les Etats-Unis ont multiplié les forages de gaz de schiste dès que les prix du pétrole ont commencé à dégringoler. Ce nouveau marché est intense et sa technologie est très bien maîtrisée aux Etats-Unis et est dynamisé par des milliers d'acteurs, a-t-il signalé. Ce qui dénote une grande préparation. « Les USA, qui doivent effacer un déficit de 345 milliards de dollars en 2018 au plus tard, avaient conclu un pacte avec l'Arabie saoudite, la sécurité énergétique contre la sécurité pure est simple. Mais les USA sont aujourd'hui producteurs de gaz et ambitionnent de devenir exportateurs. Ils n'ont plus besoin d'assurer leur sécurité énergétique. Le pacte avec l'Arable Saoudite ne tient plus et c'est ce qui a poussé ce pays à réagir », signale-t-il. Conséquence : avec la chute continue des prix du pétrole, des forages de gaz de schiste ont fermé car les coûts de production sont plus élevés que les prix de vente. C'est là le but de l'Arabie saoudite qui fera tout, selon lui, pour maintenir les prix bas. Car, toujours selon lui, si les prix étaient amenés à augmenter, les forages de gaz de schiste seraient réactivés. « La hausse des prix du pétrole est possible, cela dépend de beaucoup de facteurs et les Etats-Unis eux-mêmes, dont les importations de pétrole ont baissé ces derniers mois, pourront augmenter leur demande. » Et l'avenir de l'Opep dans tout cela ? « Selon des experts, l'Opep pourra reprendre sa place dans une dizaine d'années », répond Pierre Terzian, estimant que l'organisation pourrait s'en sortir via des alliances qui sont en train de se construire à l'initiative de l'Algérie, entre autres. Ces coalitions pourraient faire pression sur l'Arabie Saoudite et réduire ainsi l'offre. Par ailleurs, le conférencier se dit incapable de faire des prévisions, à court ou même à moyen terme, sur les prix du pétrole car cela ne dépend plus de l'Opep mais des marchés financiers qui en ont le monopole.