13.3 millions de Soudanais ont été conviés, hier, aux urnes pour élire leur président, leurs parlementaires et leurs représentants régionaux. Omar el-Béchir, qui s'est présenté face à 15 concurrents peu connus et les candidats de son parti, le Parti national du congrès, « quasiment seul en lice », est certain de remporter ces élections multipartites qui se tiennent sur trois jours dans les 7.100 bureaux de vote et sous le regard d'observateurs de 15 organisations internationales, dont la Ligue arabe et l'Union africaine. Les résultats ? Pas avant fin avril. En campagne, el-Béchir, 71 ans, le président-candidat qui a été fortement renforcé fin décembre par la décision de Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale, de suspendre les enquêtes sur les crimes contre l'humanité qu'il est accusé d'avoir commis au Darfour, a promis d'apporter aux 38 millions de Soudanais, s'il est réélu pour un nouveau mandat de cinq ans, « sécurité et stabilité politique et économique ». A l'opposition qui a signé le 6 décembre 2014 un accord baptisé « l'Appel du Soudan », el-Béchir, qui a ordonné, jeudi dernier, la libération de deux opposants, Farouk Abou Issa et Amine Makki Madani, arrêtés après avoir signé cet « appel », promet un dialogue national juste après ces élections. Enormes défis. Sous embargo américain depuis 1997 en raison de violations présumées de droits de l'Homme et des liens présumés du régime avec le terrorisme, Khartoum, dont la moitié des 18 Etats sont ravagés par des conflits, a subi un sérieux coup avec l'indépendance en 2011 du Sud. Elle a perdu 75% de ses revenus pétroliers. Comme pour corser cette situation peu enviable, l'inflation est à deux chiffres et le chômage dépasse les 30%. Le rapprochement avec l'Arabie saoudite — el-Béchir a mis à la disposition de l'armée saoudienne ses ports sur la mer Rouge en vue d'éventuelles opérations navales et annoncé sa disponibilité à envoyer des soldats pour prendre part à l'opération militaire contre le Yémen — va-t-il sortir le pays de la crise ? Boycottées par la plupart des partis de l'opposition (Front révolutionnaire du Soudan, formé des groupes insurgés des régions en guerre du Nil bleu, du Sud-Kordofan et du Darfour) et l'Oumma, l'une des trois principales formations du pays, ces élections, qui ne se tiendront pas dans un secteur du Darfour et dans certaines régions du Kordofan-Sud « pour des raisons de sécurité », selon la commission électorale, sont les deuxièmes depuis l'arrivée au pouvoir en 1989 d'el-Béchir. « L'armée ne permettra pas que les rebelles entravent le déroulement des élections », a déclaré le ministre de la Défense, Abdel Rahim Mohammed Hussein. Juste avant l'ouverture des bureaux de vote, des rebelles ont menacé d'empêcher le scrutin dans l'ensemble des Etats du Nil bleu et du Kordofan-Sud, où ils sont présents depuis 2011. Le scrutin suscite déjà des critiques de la communauté internationale. L'Union européenne a ainsi jugé que ces élections ne pouvaient « donner un résultat crédible et légitime » car « le dialogue est contourné, certains groupes exclus et les droits civiques et politiques violés ». Dimanche dernier, la police a dispersé une manifestation de centaines d'étudiants, mobilisés contre le scrutin, dans la ville de Port Soudan (Est).