La célébration du 59e anniversaire de l'indépendance, de ce qui fut le plus grand pays d'Afrique, amputé, depuis juillet 2011, du Sud devenu le plus jeune Etat du monde et en proie à la crise du Darfour, a dramatiquement vécu le nouvel ordre mondial. Fait décisif : le Sud Soudan est le seul hôte étranger invité aux festivités auxquelles ont été conviés de hauts fonctionnaires du gouvernement et des membres des missions diplomatiques. L'heure serait-elle enfin propice au rapprochement ? Venu à Khartoum pour participer aux cérémonies officielles, le ministre sud-soudanais des Affaires étrangères, Barnaba Marial Benjamin, reçu par le président Omar el-Béchir et son homologue soudanais, Ali Karti, est plus enclin à s'investir dans une dynamique de paix et de coopération. Juba, accusé en décembre par le ministre de Défense et le directeur des services de sécurité soudanais de soutenir les mouvements rebelles, prône le retour à l'apaisement pour mettre fin aux tensions, « régler les litiges au plus haut niveau », comme le souligne le porte-parole du Soudan du Sud, et relancer les accords de septembre 2012 portant sur les dossiers sensibles de la délimitation des frontières, de l'acheminement du pétrole transitant par le Soudan et du commerce. Le message transmis par le président sudiste, Salva Kiir, à son homologue Omar Béchir, suffira-t-il à remettre sur rails le processus de paix ? La main tendue est davantage marquée par la nouvelle année électorale qui se profile au Nord et au Sud. Du palais présidentiel, le président Omar el-Béchir a balayé du revers de main les spéculations entourant la tenue du scrutin qui aura lieu à la date prévue d'avril 2015. « C'est l'occasion de réunir tout le peuple soudanais autour de leurs droits constitutionnels de choisir et de voter librement », a estimé el-Béchir privilégiant le lancement du dialogue national et appelant les mouvements armés à déposer les armes pour s'inscrire, en toute sécurité, dans le jeu démocratique. Mais le calendrier électoral ne semble pas intéresser l'opposition redoutant la réédition du scénario de l'élection présidentielle de 2010 remportée par Omar el-Béchir, en l'absence d'autres candidats. Au Sud, en quête d'ouverture vers le Nord pour desserrer l'étau de la rébellion de l'ancien vice-président et non moins rival, Riek Machar, le gouvernement a également confirmé l'organisation de la présidentielle « entre le 1er mai et juillet 2015 ». « Nous organiserons des élections en 2015 car nous ne laisserons pas notre démocratie prise en otage par la violence », précise le porte-parole du gouvernement, Ateny Wek Ateny. Enlisé depuis décembre 2013 dans une guerre communautaire, le Sud Soudan retrouvera-t-il la voie de la normalisation et de la stabilité ? A l'Ouest, la poudrière du Darfour, renfermant, tout au long de la profondeur stratégique sahélienne et subsaharienne, les réserves d'uranium et du cuivre tant convoitées, est toujours malade du cycle de violence interminable qui oppose depuis 2003 Khartoum aux groupes rebelles. Libéré du fardeau du mandat d'arrêt international, Omar el-Béchir a lancé une offensive générale au Darfour et dans les etats du Nil bleu et du Kordofan-sud. Des combats se sont déroulés dans la région de Jebel Maraa pour le contrôle de la zone stratégique de Fanga reliant El-Fasher et Nyala, les capitales du Darfour-Nord et du Darfour-Sud.